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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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mit et commença à déchiffrer la lettre. Puis il la relut. Tron le voyait remuer la tête, stupéfait.
    — On dirait que les supputations de Pergen étaient exactes, conclut-il.
    Tron se pencha par-dessus la table.
    — Pellico ?
    Le commandant en chef remua la tête de bas en haut.
    — Le colonel l’a arrêté dès hier soir. Il l’a interrogé pendant une bonne partie de la nuit et a continué son interrogatoire ce matin.
    — A-t-il avoué ?
    — Par malheur, d’après ce que m’écrit Pergen, il n’a pas eu le temps de signer.
    — Comment cela ?
    Le visage du commandant en chef ne trahit pas le moindre sentiment.
    — Parce que Pellico est mort. Il s’est pendu pendant une pause. Pour Pergen, c’est un aveu.
    — Si c’était vrai, le colonel aurait résolu l’affaire en un temps record.
    — Oui, une enquête remarquable.
    — À moins justement qu’on ne trouve qu’il l’a résolue un peu trop vite, objecta Tron.
    Son supérieur le dévisagea en plissant les yeux.
    — Que voulez-vous dire ?
    — J’aurais préféré que Pellico passe en justice.
    — Vous ne faites pas confiance à Pergen ?
    — En tout cas, ce suicide laisse en suspens toute une série de questions auxquelles seul le directeur de l’Institut aurait été en mesure de répondre. En outre, je m’étonne que le colonel nous envoie quelqu’un au Danieli pour nous informer que l’affaire est réglée. En principe, il devrait penser que j’ai cessé mes investigations.
    — Peut-être a-t-il appris que vous êtes allé hier au casino Molin ?
    — Manifestement, il veut me faire savoir au plus vite que je n’ai aucune raison de poursuivre mes recherches.
    Spaur repoussa au centre de la table l’assiette avec l’ultime Knödel et retira la serviette passée à son col.
    — Mais commissaire, il n’y a en effet aucune raison ! Oubliez cette enquête. Et oubliez ce que vous avez appris sur Moosbrugger.
    1 - Spécialité autrichienne : prune enrobée d’une pâte, pochée et parfois roulée dans de la chapelure. ( N.d.T. )

14
    Deux heures plus tard, en descendant du bac sur le quai de la Dogana 1 et en prenant à droite – l’hôtel particulier de la princesse se trouvait entre le rio di San Vio et l’Académie –, Tron constata qu’il suivait son ancien chemin d’école et se rappela pour la deuxième fois depuis la veille que l’époque où il fréquentait le séminaire patriarcal, situé tout près, remontait maintenant à quarante ans. En ce temps-là, pensa-t-il en soupirant, le pont en fonte qui relie Dorsoduro et Saint-Marc n’existait pas encore, pas plus que les voies ferrées, les bateaux à vapeur et les éclairages au gaz, toutes choses qu’au fond de lui-même, il tenait pour superflues.
    Il s’arrêta au bord du campo San Vio, au pied d’un pin solitaire dont les branches ployaient sous le poids de la neige, pour récapituler ce qu’il savait sur la princesse. Il dut reconnaître que cela ne faisait pas beaucoup – ce qui était étrange dans une ville telle que Venise où les ragots n’épargnaient personne, et surtout pas une jeune veuve aussi riche et aussi attirante que la princesse de Montalcino. Cela tenait-il à l’aura d’inaccessible froideur qui l’entourait ? Une aura, continua-t-il de spéculer, qu’elle ne cultivait peut-être que pour mieux dissimuler un caractère tout à fait différent ? Ou était-elle en effet cette jeune femme énergique qui avait repris avec un considérable succès les affaires de son défunt mari et qui voyait dans cette activité le sens de sa vie ?
    Tron n’aurait su le dire. Il ne savait même pas d’où elle était originaire. Venait-elle vraiment de Florence ? Son dialecte laissait à penser qu’elle était née en Toscane et avait joui d’une éducation soignée. Cependant, quelque chose faisait croire à Tron que cet italien parfait était en vérité trop beau pour être vrai.
    Il leva les yeux en entendant crier deux mouettes qui firent une virevolte, puis se mirent à tourner au-dessus du campo sans savoir où se poser, peut-être parce qu’elles étaient troublées par la neige qui recouvrait depuis la veille les toits et les pavés de Venise. Une bourrasque balaya la place, fit tournoyer la neige à ses pieds et faillit emporter son haut-de-forme. De la main gauche, il releva le col de sa redingote, et de la droite, il serra par précaution le bord de son chapeau.
    Deux cents mètres plus loin, derrière le petit pont qui traversait le

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