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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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rio di San Vio, il aperçut l’entrée de service du palais Contarini del Zaffo. Bien sûr, la porte anodine trompait le passant quant aux dimensions réelles du bâtiment. Le commissaire tira sur la tige en fer de la sonnette et perçut le tintement d’une cloche. Peu après, un jeune homme portant une tenue de commis vint lui ouvrir.
    — Vous désirez ?
    Le regard avec lequel il dévisageait l’importun disait assez qu’il avait plus important à faire que d’accueillir des visiteurs.
    — Bonjour. Commissaire Tron. J’ai rendez-vous avec la princesse.
    D’un coup, le commis eut une mine empressée. Il s’inclina même.
    — Excusez-moi, commissaire. Veuillez me suivre.
    Il fit demi-tour et Tron le suivit dans un corridor qui débouchait sur une arrière-cour pavée où étaient empilées de grandes caisses. Ils pénétrèrent ensuite dans l’hôtel particulier à proprement parler, dont la façade donnait sur le Grand Canal. Ils traversèrent un bureau rempli de tables auxquelles étaient assis des employés qui traitaient des dossiers. Le commis ouvrit une porte au fond et se recula pour laisser entrer Tron dans ce qui devait être le cabinet de la princesse.
    — Si vous voulez bien attendre, commissaire.
    La pièce n’était guère plus grande que le salon de la comtesse Tron. Un mur était couvert de casiers, les autres ornés de tableaux. Le visiteur reconnut une copie du Concert champêtre du Titien à côté d’une copie de L’Amour céleste et l’Amour terrestre qu’il avait vu à la villa Farnèse à Rome quelques années auparavant. Les autres peintures étaient sans doute des originaux. Deux grands formats – le premier représentait une Conversation sacrée , l’autre un homme et une femme au bord d’une fontaine – pouvaient être de Palma le Vieux, car ils rappelaient deux œuvres qui décoraient autrefois le salon de la comtesse et qui avaient été vendues dans les années vingt.
    Au centre de la pièce se dressait une énorme table de réfectoire que la princesse utilisait comme bureau. Le commissaire sourit en apercevant, comme chez lui à la questure, une corbeille pour le courrier reçu et une autre pour le courrier à poster. Un guéridon flanqué de deux fauteuils se trouvait devant l’une des fenêtres. Les tableaux, les deux antiques têtes en marbre (l’une sur le guéridon, l’autre sur le bureau), le grand tapis amortissant en partie le froid qui montait du sol – tout cela dégageait une impression de richesse.
    La princesse apparut, un binocle sur le nez, une pile de dossiers dans les bras. Elle posa ceux-ci sur sa table de travail avant de donner la main au commissaire.
    — Que contiennent les caisses dans la cour ? voulut savoir Tron.
    — Du verre, répondit-elle. Désormais, nous exportons même en Amérique.
    Elle essayait en vain d’étouffer la fierté dans sa voix.
    — Mon mari m’a légué deux verreries.
    — Nous aussi, nous avons fabriqué du cristal dans le passé, remarqua Tron avec nostalgie.
    — À Murano ?
    Elle le regarda d’un air intéressé. Il secoua la tête.
    — Non. Ici, à Venise. C’était avant que les fours ne soient déplacés à Murano.
    — Cela doit faire bien longtemps.
    — En effet, au moins quatre siècles…
    La princesse le regarda, surprise.
    — Mais alors, vous faites partie de la famille Tron ?
    Le commissaire haussa les épaules.
    — La famille Tron n’existe plus. Il n’y a plus que ma mère et moi.
    — Êtes-vous…
    — Non, je ne suis pas marié. Ni avec une femme ni avec mon métier !
    — Je voulais juste vous demander si vous êtes allé voir Palffy.
    Le commissaire toussota, gêné.
    — Oui, aussitôt après notre conversation sur le bateau.
    Ils avaient pris place sur les deux sièges de part et d’autre du guéridon – Tron raide comme un homme qui sait se tenir en présence d’une dame, la princesse avec nonchalance, les jambes croisées. Son visage était serein, mais elle jouait nerveusement avec le binocle accroché à sa poitrine par une chaînette.
    — Le général a-t-il pu vous être d’une aide quelconque ?
    — Il m’a simplement dit que le sous-lieutenant avait des dettes considérables et que le conseiller aulique était son oncle, répondit-il. Hummelhauser était un homme riche et Grillparzer son unique héritier.
    — Vous aviez donc raison de le suspecter.
    — D’une certaine manière, oui. Pourtant, ce n’est pas lui le coupable.
    La princesse fronça les sourcils.
    —

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