Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
voix neutre : — Il y a deux ans, après la mort de sa femme, Pellico s’est mis à boire. Un jour, il m’a dit qu’il buvait parce qu’il n’avait pas la force de se tuer. Il faut croire qu’entre-temps il en a trouvé le courage. Ce motif me paraît aussi triste que fréquent.
    — Et qu’est-ce que cela veut dire ?
    — Que Pellico n’est pas l’assassin, conclut-elle. Son suicide n’est pas un aveu.
    — Pergen s’est donc emparé de l’affaire, réfléchit tout haut le commissaire, afin de couvrir Grillparzer.
    — Pourquoi ?
    — Je l’ignore. Tout ce que je sais, c’est qu’ils se connaissent et que Pergen me l’a caché.
    — Et cet attentat contre l’impératrice – est-ce une invention du colonel ?
    Tron haussa les épaules.
    — Peut-être avait-il besoin d’une histoire en urgence ?
    — Les documents ont-ils refait surface ? J’entends : les documents concernant l’attentat.
    — Dans le message qu’il a envoyé à Spaur, Pergen n’a pas fait mention de cela. Mais cela ne veut pas nécessairement dire quelque chose.
    — Quelles sont vos intentions maintenant ?
    — Après-demain, Pergen va remettre un rapport officiel sur cette affaire. Je vais attendre de l’avoir à ma disposition.
    — Pour entreprendre quoi ?
    — Cela dépendra du rapport.
    — Je pars à Vérone jeudi et ne serai de retour que dimanche.
    — Nous pourrions nous… commença Tron.
    Mais la princesse lui coupa la parole.
    — Aimez-vous Verdi ?
    Tron hocha la tête.
    — Eh bien, venez donc me voir mercredi dans ma loge. On donne Rigoletto .
    1 - Douane. ( N.d.T. )

15
    Le 16 février 1862 – un mardi –, Élisabeth attend Toggenburg, assise au bureau de son mari. Ou plutôt, c’est Toggenburg qui attend dans l’antichambre. Quoiqu’il fût convoqué pour onze heures, on lui a fait savoir que Son Altesse Impériale n’était pas encore prête. Ils s’attendent donc mutuellement, songe Élisabeth, comme lors d’un rendez-vous mal fixé où l’un se trouve au Florian et l’autre au Quadri .
    Le cabinet de l’empereur peut servir de salle d’audience car il est assez grand pour que les visiteurs soient obligés de marcher quelques secondes avant de s’arrêter devant le bureau de Son Altesse – quelques secondes pendant lesquelles ils prennent nécessairement conscience du pouvoir du Très-Grand, surtout que François-Joseph ne quitte pas des yeux ses dossiers et ne fait rien pour signaler qu’il a remarqué leur présence. Il faut patienter jusqu’à ce qu’il ait fini de lire.
    « Il fait cela très bien », pense Sissi. Il paraît que certaines personnes ont attendu une dizaine de minutes devant son bureau et qu’il ne leur a même pas accordé un coup d’œil en leur parlant. C’est sa dernière lubie. Au lieu de regarder droit dans les yeux les gens qu’il exècre, il fixe leur col comme s’il y avait dessus une affreuse tache. Élisabeth aussi va faire poireauter le commandant de place dix minutes devant le bureau. Mais d’abord, elle veut le laisser une demi-heure dans l’antichambre. C’est une variante que son mari ne pratique pas, mais il n’y a rien qu’on ne puisse améliorer.
    Elle porte une robe en taffetas noir avec un col droit en dentelle qui la vieillit – tout à fait ce qu’elle recherche. Elle a vingt-cinq ans, et pour le moment, elle ne veut pas avoir l’air aussi jeune.
    Comme convenu, les portes du cabinet de l’empereur s’ouvrent à onze heures et demie. Dans la partie supérieure de son champ de vision, elle aperçoit quelque chose de bleu clair qui grandit peu à peu. Elle ne lève pas les yeux, elle entend juste les pas de Toggenburg qui s’approchent et s’arrêtent à une distance respectueuse. À coup sûr, il s’attend à ce qu’elle lui adresse la parole.
    Mais le front plissé, elle fait toujours mine d’étudier un mince recueil de dossiers abandonné sur le bureau de son mari. Il s’agit de la copie – à l’écriture saccadée des secrétaires de chancellerie – d’une ordonnance sur la destruction des cadavres d’animaux dans l’arrondissement de Bozen – un document intéressant dans la mesure où il confirme que l’empereur, quoiqu’il prétende le contraire, s’occupe bien en personne des moindres détails de son État. Elle lit : « … veiller avec un soin tout particulier à ce que notamment les viscères des bêtes malades soient l’objet d’une élimination spécifique pour prévenir le danger de propagation… »

Weitere Kostenlose Bücher