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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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Je ne vous suis plus, commissaire.
    — La police militaire a arrêté hier soir un autre homme qui a fait une sorte d’aveu. Il s’agit d’un passager du nom de Pellico qui était directeur d’un orphelinat sur le canal de la Giudecca.
    Pendant un instant, la princesse le considéra sans bouger. Puis elle sortit une cigarette d’un coffret en argent posé sur le guéridon et l’alluma. C’était la première fois de sa vie que Tron voyait une femme fumer comme si c’était la chose la plus naturelle au monde et il ne faisait pas le moindre doute que cela le fascinait. La princesse inhala, expira et suivit la fumée des yeux en silence. Enfin, elle déclara : — C’est absolument exclu, commissaire.
    Sa main droite, dans laquelle elle tenait la cigarette, tremblait.
    — Vous connaissiez Pellico ?
    — Oui, assez pour vous assurer que ce n’est pas lui.
    — Vous lui avez parlé sur le bateau ?
    — Je ne savais même pas qu’il était à bord ! Il a dû tout de suite gagner sa cabine à l’embarquement. Et je ne l’ai pas vu non plus au petit déjeuner. Pour quelle raison aurait-il tué le conseiller ?
    — Hummelhauser avait sur lui des documents concernant un projet d’attentat dirigé contre l’impératrice.
    La princesse le fixait d’un regard incrédule.
    — Pardon ?
    — Un attentat.
    — Donnez-moi plus de détails !
    Il haussa les épaules.
    — Je n’en sais pas beaucoup plus. Sinon qu’on aurait arrêté les conjurés dès que les papiers seraient parvenus à Venise.
    — Pellico aurait donc tué le conseiller pour entrer en possession de ces documents ? C’est bien cela, la logique de l’histoire ?
    Il acquiesça d’un mouvement de tête.
    La princesse retint un instant sa respiration et répéta : — C’est grotesque, commissaire. Complètement grotesque.
    — Puis-je vous demander d’où vous connaissez Pellico ?
    — Du fait de mes activités au sein du conseil consultatif de l’Institut. J’ai repris le siège de mon mari. De plus – elle fit une brève pause –, du vivant du prince, nous nous fréquentions aussi à titre privé.
    — Croyez-vous possible que Pellico ait entretenu des relations avec le Comité de la Vénétie ?
    — Il faudrait que le Comité ait perdu la tête pour envisager un attentat contre la personne de l’impératrice.
    — Pellico entretenait-il des relations avec le Comité ? s’obstina le commissaire.
    — Il y a des gens qui prêtaient foi à ces rumeurs.
    — Et vous ?
    De la main gauche, la princesse caressa l’antique tête de jeune fille posée sur la table.
    — Pellico éprouvait une grande sympathie envers le mouvement d’unification italien, mais ce n’était pas un fanatique. Il n’a d’ailleurs jamais caché ses convictions politiques. Pour Pergen, l’instruction ouverte contre Pellico il y a quelques semaines a peut-être joué un rôle.
    Tron se pencha en avant.
    — Quelle instruction ?
    — Pellico était juriste. Il y a trente ans, il a composé un traité sur le tyrannicide. Le tyrannicide dans l’Antiquité.
    — Et ce traité lui causerait des difficultés aujour-d’hui ?
    — Il a été traduit en italien il y a deux ans et publié à Turin sous forme de brochure. On l’a mis à l’index et, de manière formelle, on a ouvert une procédure contre l’auteur. L’affaire a même été évoquée au conseil consultatif de notre Institut – qui s’est rangé à l’unanimité derrière Pellico.
    La princesse poussa un soupir de mépris.
    — Toute cette affaire est vraiment grotesque.
    — Pergen devait être au courant de cette procédure et, de ce fait, il a aussitôt soupçonné Pellico. Mais il y a une chose que je ne comprends pas.
    — Quoi ?
    — Pellico, en tout cas selon Pergen, aurait fait une sorte d’aveu avant de se pendre dans sa cellule.
    D’un coup, comme si un marionnettiste avait soudain tiré sur les fils, la princesse bondit de son fauteuil.
    — Il s’est pendu ?
    — Pendant une pause. Pour le colonel Pergen, cela équivaut à un aveu de culpabilité.
    Les yeux de la princesse lançaient des étincelles comme de l’argent poli.
    — Le colonel Pergen est un imbécile… pour rester courtoise.
    — Quelle sorte de raison Pellico aurait-il eu de se tuer, sinon ?
    — Il y a mille raisons de se donner la mort, commissaire.
    — Dites-moi seulement celle de Pellico.
    La princesse alluma une nouvelle cigarette. Elle regarda le plafond à travers les anneaux de fumée. Puis elle expliqua d’une

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