Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
Vom Netzwerk:
être possible d’apprendre s’il s’agit des mêmes.
    Elisabeth acquiesce d’un signe de tête.
    — Si tel est le cas, il y aurait moyen de parler au commissaire sans que Pergen ne l’apprenne – ce qui ne veut pas dire que, dans l’intervalle, nous devions rester oisifs.
    — Que propose Son Altesse Sérénissime ? interroge le comte.
    — Que nous cherchions à en apprendre le plus possible par le biais de l’ordonnance du colonel Pergen.
    — Je peux mettre Mlle Wastl au fait avant son prochain rendez-vous avec lui.
    — Vous l’en croyez capable ? demande l’impératrice sans cacher ses doutes. Je veux dire : capable de poser les bonnes questions et de se souvenir des réponses ?
    — Je ne vois pas d’alternative.
    — Peut-être devrions-nous entrer nous-mêmes en contact avec l’ordonnance de Pergen ? propose cette fois l’impératrice. Quelqu’un devrait accompagner Mlle Wastl. Savez-vous où ils se rencontrent d’habitude ?
    — Dans une auberge de Dorsoduro, dit Mme Königsegg.
    — Et quand a-t-elle sa prochaine soirée de liberté ?
    — Jeudi.
    Le comte prend alors la parole :
    — Mais qui va accompagner Mlle Wastl ?
    Sissi se lève si promptement que les époux sont saisis. Elle s’avance à la fenêtre, écarte le rideau et regarde au-dehors. Deux hommes passent d’un réverbère à l’autre, appuient leur échelle dessus et allument le gaz. Le nouvel éclairage public n’est pas très puissant, mais il donne à la place quelque chose de confortable, la transforme en un gigantesque salon. De la musique monte du café Florian situé juste dix mètres au-dessous de la salle d’audience et pourtant inaccessible.
    La seule pensée d’enfiler un manteau et de sortir sans surveillance est en soi excitante, pour ne pas parler de l’idée d’accompagner les Königsegg à un bal masqué. Un vrai bal vénitien ! Un bal qui n’aurait rien à voir avec les tristes parodies de l’armée où les officiers se figent et claquent des talons chaque fois que Sissi s’approche. Tout à l’heure, Élisabeth n’a rien laissé voir, mais en son for intérieur, elle mourait de jalousie quand son intendante en chef évoquait le bal masqué. Elle se retourne alors vers Mme Königsegg :
    — Vous allez l’accompagner, comtesse !
    Puis elle continue aussitôt sur un ton sec qui ne tolère aucune réplique :
    — Mlle Wastl doit envoyer un billet à son fiancé et lui annoncer qu’elle ne sera pas seule jeudi, qu’elle amènera une dame qui souhaite avoir quelques explications. Faites-lui entrevoir la perspective d’une gratification.
    — Mais je…
    — Une simple robe en laine me paraît appropriée. Mettez des chaussures solides. Je suppose que vous vous rendrez à pied à cette auberge ? Sans doute s’agit-il d’un établissement populaire. Avec des tables sans nappes et de la sciure sur le sol. Une trattoria 1 dans laquelle les gondoliers et les pêcheurs viennent s’accorder un moment de détente après une dure journée de labeur…
    L’espace d’un instant, Élisabeth doit s’interrompre pour imaginer le local aux tables en bois et au sol couvert de copeaux. Des filets pendent aux murs et une Italienne aux yeux de braise danse la tarentelle entre les chaises. De nouveau, elle constate qu’elle envie la comtesse.
    Mais elle n’a pas l’occasion de développer cette pensée, car Mme Königsegg a l’air de se sentir mal. Elle est tombée dans une sorte de léthargie. Ses yeux sont hagards. La seule chose qui bouge encore chez elle, c’est sa bouche qui s’ouvre et se referme avec lenteur. On dirait un poisson hors de l’eau. Il se passe alors quelque chose que Sissi n’a pas prévu. Mme Königsegg se met à pleurer. Des larmes silencieuses jaillissent de ses cils, puis, au bout d’un moment, elle se met à sangloter :
    — Je n’en suis pas capable, Eberhard !
    Le général de division Königsegg tourne les yeux vers l’impératrice. Son regard lui présente des excuses pour le comportement de sa femme, mais il signale en même temps que la comtesse ne pourra vraiment pas et qu’il faudra trouver autre chose.
    Alors, l’impératrice a une véritable illumination. L’image qui prend forme dans son esprit est aussi claire et aussi précise qu’un dessin. Elle murmure :
    — Il y aurait bien une autre solution. Qu’en dites-vous si… ?
    Elle n’achève pas sa phrase. Elle sait bien ce qu’elle veut dire, mais elle pressent que, dans un premier temps, il vaut mieux le

Weitere Kostenlose Bücher