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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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trouvèrent rien, bien entendu. En fin d’après-midi, quand ils enfermèrent Emilia Farsetti dans une cellule de l’île Saint-George, ils connaissaient l’adresse de sa mère, de ses deux frères et de sa meilleure amie. Pergen ne lui avait pas caché qu’il irait aussi chez eux faire une perquisition.
    La prisonnière avait posé les mains sur le rebord de la fenêtre et regardait la buée qui se formait sur la vitre quand elle respirait. Une mouette passa dans son champ de vision et disparut dans la brume. La veille, elle avait perdu tout repère à l’intérieur du bâtiment. La lumière du matin venait de la gauche ; donc, elle devait avoir vue sur le sud de la lagune et le Lido devait se trouver quelque part dans le brouillard. Ses accès de panique se faisaient de plus en plus fréquents et de plus en plus longs. Encore vingt-quatre heures et elle dirait sans doute au colonel Pergen où se trouvait sa planque.

37
    L’inspecteur Spadeni était un petit homme rondouillard qui avait une prédilection pour les gilets à fleurs bariolés et une répugnance pour les prêtres et les soldats. Cette préférence et le fait qu’il ne portait presque jamais de redingote l’avaient jusqu’alors empêché d’obtenir le grade de commissaire. Sa répulsion lui avait en revanche déjà valu deux fois une sanction. Spadeni adorait les romans français et s’ennuyait vite. Depuis qu’il avait dévoré Les Mystères de Paris , il savait que Trieste était vraiment un trou – la province la plus profonde, complètement attardée du point de vue criminalistique.
    Quand il entra, Tron le trouva assis à son bureau en train de faire trois choses en même temps : écrire, manger et fumer. De la main droite, il remplissait une grande feuille de papier ministre. De la gauche, il portait une aile de poulet à sa bouche. Pour le reste, il n’avait pas besoin de troisième main car le mégot pendait à la commissure de ses lèvres et se balançait au rythme des mouvements de sa mâchoire. Spadeni était sans doute le seul fonctionnaire de police dans tout l’Empire autrichien qui parvînt à garder son cigare allumé d’un bout à l’autre de son repas.
    — Commissaire Tron ?
    Le Vénitien salua d’un signe de tête et regarda autour de lui. La pièce, située au rez-de-chaussée de la questure, était petite. Une unique fenêtre donnait dans un puits de lumière. En dehors du bureau, du fauteuil de l’inspecteur et d’une chaise pour les visiteurs, la pièce ne contenait que deux grandes étagères où des dossiers s’entassaient.
    L’incontournable portrait de François-Joseph était accroché près de la fenêtre. Mais si le degré d’inclinaison du cadre voulait dire quelque chose sur le degré de résistance du fonctionnaire, pensa Tron, Spadeni faisait partie de l’aile militante de l’opposition. En outre, non seulement le tableau était bancal, mais en plus, le verre était cassé au beau milieu du visage de l’empereur.
    — Spaur m’a prévenu par télégraphe, expliqua l’inspecteur en dévisageant son collègue avec curiosité.
    Il se leva avec une souplesse étonnante et avança la chaise à l’intention de Tron. Puis il revint derrière son bureau et plia en deux la feuille sur laquelle il écrivait.
    — Vous venez pour l’affaire du Lloyd Triestino, n’est-ce pas ?
    Ses yeux lançaient maintenant des étincelles presque lubriques.
    — Il s’agit d’une affaire qui a peut-être un rapport avec celle du Lloyd, rectifia le commissaire. Le chef steward de l’ Archiduc Sigmund a été assassiné. On lui a tranché la gorge, hier, dans son appartement.
    — Mon Dieu !
    On aurait dit qu’un invisible marionnettiste le redressait dans le fauteuil où il était jusqu’alors posé comme un pot de fleurs. Il lâcha l’aile de poulet. De la cendre tomba de l’extrémité de son cigare et se répandit sur son assiette. Difficile de dire si son visage exprimait la jalousie ou l’effroi.
    — Voyez-vous un rapport entre ce crime et les activités annexes de Moosbrugger ? demanda l’inspecteur qui savait donc comment s’appelait la victime et à quel commerce elle se livrait sur le paquebot.
    — Sans doute a-t-il été tué par l’un de ses clients, répondit Tron. Peut-être par celui qui a violé et étranglé la jeune fille.
    — Mais je croyais qu’on l’avait arrêté !
    — Je crains que ce ne soit pas le bon.
    — Et que puis-je faire pour vous ? s’enquit l’inspecteur avec

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