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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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semaine. Elle appréciait sa fiabilité et sa maniaquerie, et sans doute en allait-il de même pour lui. Comme elle le trouvait attirant et vice versa, ils avaient échangé quelques paroles à l’enterrement de son mari (qui avait travaillé dans les bureaux du Lloyd à Trieste). Quelques jours plus tard, il lui avait rendu une visite de condoléances. Celle-ci fut suivie d’une deuxième, puis d’une troisième. La quatrième ne pouvait plus être qualifiée de condoléances bien qu’il l’eût plus consolée cette fois-là que pendant les trois autres réunies.
    Il ne parlait jamais de son travail, ce qui signifiait sans doute que son métier n’avait pour lui aucune importance, et elle ne voyait pas de raisons de poser de questions. Parfois, songea-t-elle, il poussait trop loin le goût du secret, par exemple quand il l’exhortait à ne parler à personne de leur relation. Peut-être cela tenait-il à ses convictions religieuses, car on ne pouvait nier qu’ils vivaient dans le péché.
    Dans le péché : à vrai dire, elle aurait dû tout avouer au père Anselme, son beau confesseur de San Silvestro qui faisait de merveilleux prêches sur la Vierge Marie, mais alors, il aurait sans doute exigé d’elle qu’elle renonce à cette liaison, et ça, c’était hors de question. Elle croyait ferme au Rédempteur et à l’Immaculée Conception, mais elle ne croyait pas qu’il fallût tout confesser.
    Arrivée au dernier étage, elle glissa la clé dans la serrure et la tourna vers la gauche. Le mécanisme produisit sa coutumière succession de cliquetis et la porte s’ouvrit. Un détail surprit cependant Mme Schmitz : elle n’avait fait qu’un tour. Or elle était sûre d’avoir comme d’habitude fermé à double tour. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : Moosbrugger était rentré beaucoup plus tôt que d’habitude et avait utilisé le double.
    Mme Schmitz s’avança dans l’entrée et sentit une petite palpitation joyeuse. Bien sûr, il était stupide, à son âge, d’éprouver des sentiments de jouvencelle, mais parfois, il suffisait qu’elle pense à ses larges épaules et à son profil aquilin pour être tout excitée. Elle fit deux ou trois pas en s’efforçant de dissimuler sa hâte. Elle ôta son manteau devant le miroir et contrôla sa coiffure, un édifice complexe, mais de bon goût, de cheveux teints en blond et tenus par une longue tige en ébène. Son nez luisait ; elle jugea indiqué de remettre un peu de poudre et, par la même occasion, du rouge sur ses joues. Elle savait que, certains jours, on ne lui aurait pas donné plus de quarante ans. C’étaient des jours où elle avait bien dormi. Or cette nuit-là, elle avait bien dormi.
    Elle n’entendait toujours aucun bruit dans la salle de séjour. Il l’attendait sans doute sur le divan, impatient, avec un beau cadeau, et se réjouissait de la surprise qu’il croyait lui faire. Elle gloussa tout bas. Naturellement, elle ferait l’étonnée. Il n’y avait aucune raison de lui refuser ce plaisir. Mme Schmitz jeta un dernier regard dans le miroir et fut satisfaite. Puis elle s’avança vers la gauche, ouvrit la porte au fond de l’entrée et pénétra dans la salle de séjour. Elle n’eut pas besoin de jouer la surprise. Elle le fut effectivement. Ce fut la plus grande et l’ultime surprise de sa vie.
    L’homme qui se tenait à côté de la table ronde en acajou recouverte d’un napperon en crochet était grand et mince. Les traits de son visage étaient sans défaut, quoique un peu sévères. Il portait un manteau noir boutonné jusqu’en haut. Il fallut à Mme Schmitz une demi-seconde pour le dévisager. Dans la deuxième moitié de seconde, son esprit sonna l’alarme comme jamais. Elle parvint encore à se retourner et à poser un pied dans l’entrée, mais c’était peine perdue.
    Rapide comme l’éclair, une main recouverte d’un gant de cuir noir se posa sur son bras et la tira en arrière. Mme Schmitz perdit l’équilibre et tomba à la renverse. Le côté droit de son visage vint cogner contre la poignée. Ses incisives se brisèrent et lui entrèrent dans la chair. Elle s’effondra, déjà presque inconsciente.
    L’homme au visage sans défaut la prit par les cheveux et la tira dans la pièce. Il ferma la porte de l’entrée, et quand la malheureuse tenta d’appeler au secours, un coup de botte dans la tête lui ouvrit l’arcade gauche épilée avec soin. Sa nuque fut projetée contre le sol et

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