l'incendie de Rome
incompréhensibles. Seuls de tous les peuples que Rome avait soumis, ils avaient refusé la civilisation qu’elle apportait, préférant garder leurs coutumes et, en premier lieu, leur religion. À tel point qu’il avait fallu faire une dérogation pour eux. À cause de leur refus de travailler un jour sur sept, ils avaient été exemptés du service militaire. Ils étaient dispensés également de pratiquer la religion officielle et, en particulier, le culte de l’empereur. Mais, malgré ces mesures libérales, ils supportaient mal le joug romain. L’agitation était constante en Palestine et on craignait qu’éclate un soulèvement général.
Contrairement aux autres groupes religieux, les juifs ne cherchaient pas à faire d’adeptes, ce qui ne les empêchait pas d’exercer un fort pouvoir d’attraction sur certains cercles de la société romaine. Beaucoup de gens trouvaient séduisante cette religion au dieu unique et au culte rigoureux. Mais adopter toutes ses contraintes, à commencer par la circoncision, leur paraissait trop difficile. C’était pourquoi ils se contentaient de fréquenter les synagogues en visiteurs, le jour du sabbat. Pour cela, il leur était seulement demandé de respecter les interdits alimentaires. On appelait « craignant-Dieu » ces sympathisants du judaïsme, qui étaient de plus en plus nombreux dans la ville. Lucius Gemellus allait se présenter comme l’un d’eux.
Il s’était mis en marche sans se presser. Le temps était merveilleux. Le soleil était chaud pour la saison, ce qui n’empêchait pas de gracieux nuages de s’attarder dans le ciel serein. Dans cette atmosphère de rêve, Rome resplendissait et Lucius, qui n’aimait rien plus que sa ville, profitait du spectacle. Il adorait cet univers, qui était devenu le cadre de son activité professionnelle. Rome n’était pas une ville rationnelle, bâtie selon un plan bien établi, avec des larges artères se croisant à angle droit, comme Alexandrie ou, à une moindre échelle, Pompéi. Rome, c’était tout le contraire, c’était l’improvisation, le désordre, l’anarchie, la manifestation la plus exubérante de la vie !
Sur le Palatin, un certain ordonnancement régnait encore. Les villas étaient régulièrement espacées. On ne voyait, d’ailleurs, quasi rien d’elles. Leurs murs étaient aveugles ou presque ; la seule ouverture sur la rue était la porte d’entrée. Les fenêtres s’ouvraient à l’intérieur, sur l’atrium, les cours et les jardins. Les riches tournaient le dos à la ville et vivaient entre eux, dans le calme que leur permettait leur aisance. Mais, dès qu’on commençait à descendre la colline en direction du Circus Maximus, tout changeait. Les rues devenaient plus étroites, la taille des habitations s’élevait, jusqu’à trois, quatre et bientôt six et même sept étages. Quelquefois, elles étaient si hautes et la rue si peu large qu’elles se rejoignaient presque à leur sommet. Ces immeubles populaires étaient tout sauf agréables à habiter avec leurs cloisons minces, leurs escaliers raides, leurs pièces exiguës, mais, vus d’en bas, ils étaient un régal pour les yeux. À la différence des demeures patriciennes, ils étaient percés de nombreuses fenêtres, dont beaucoup avec un balcon. La plupart étaient fleuris et, avec les plantes grimpantes, lierre, vigne vierge, jasmin, qui envahissaient les façades, ils avaient l’allure d’immenses végétaux poussant au cœur de la ville.
Dans la rue, le spectacle n’était pas moins étonnant. Dès le matin, les activités les plus diverses accaparaient tout l’espace disponible. Les tavernes et les commerces empiétaient à droite et à gauche sur le passage, avec leurs comptoirs et leurs étals. Le maître d’école n’était pas moins encombrant, car la plupart des cours se donnaient en plein air, et il fallait se frayer un passage entre l’enseignant debout et ses petits élèves assis à même le sol. Au milieu de tout cela, circulaient les innombrables colporteurs, marchands d’ustensiles les plus divers, vendeurs de produits alimentaires en tous genres, depuis les paysans qui apportaient les légumes de leur potager ou les poules de leur basse-cour, jusqu’au marchand de saucisses chaudes qui les faisait griller sur un brasero. Cela n’empêchait pas les barbiers de raser leurs
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