l'incendie de Rome
me suis conformé à toutes les prescriptions.
L’homme n’ajouta rien et le laissa entrer. La synagogue était aussi simple à l’intérieur qu’à l’extérieur. Il s’agissait d’une salle rectangulaire divisée en trois par des poteaux. Des palmes accrochées aux murs formaient la seule décoration. Lucius remarqua qu’il n’y avait autour de lui que des hommes ; les femmes étaient allées sur une sorte de balcon, au fond. Devant, se dressait une estrade. Sur une table, était posé un chandelier à sept branches. Lucius était assez déconcerté, mais trouvait, dans l’ensemble, que cette simplicité ne manquait pas de grandeur. Elle lui inspirait plus de respect, en tout cas, que des cérémonies comme celles de la vache pleine. Il n’oubliait pas sa mission et ne voyait pas encore comment s’y prendre pour rencontrer des chrétiens. Mais chaque chose en son temps. Il s’assit sur son banc avec les autres.
L’office ne tarda pas à commencer. Le rabbin répandit de l’eau de menthe sur le sol, après quoi, il alla vers un petit coffre accroché au mur du fond et en sortit des rouleaux enveloppés dans un étui de lin. Il les posa sur la table, puis il déplia l’un d’eux et commença la lecture d’un passage. Le texte était dans une langue que Lucius ne connaissait pas, mais il s’agissait, de toute évidence, du livre sacré de leur religion. À la suite du rabbin, des personnes de l’assistance vinrent lire d’autres passages. Il y eut ainsi sept lectures. Puis, commencèrent des prières dites par tous, toujours dans la même langue. Cela dura un long moment et Lucius se demandait ce que les craignant-Dieu pouvaient bien tirer de telles cérémonies, puisque tout se passait dans une langue qu’ils ignoraient. Mais les prières cessèrent et le rabbin se tourna vers l’assistance. Cette fois, il s’exprima en pur latin.
— J’invite maintenant celui qui le désire à s’exprimer.
Un homme quitta alors son banc. Il ne payait guère de mine. Il avait un peu plus de cinquante ans. Il était de petite taille, avec une tête volumineuse, le crâne dégarni et le nez busqué. Tandis qu’il montait sur l’estrade, Lucius remarqua ses jambes arquées et ses bras grêles. Il prit la parole, lui aussi en latin, et tout changea. Il avait une voix vibrante, qui emplit la salle.
— Mes frères et mes sœurs, je suis venu vous annoncer la bonne nouvelle. Jésus Christ, le Messie, est mort sur la croix pour nos péchés. Il est ressuscité d’entre les morts et il promet à tous les hommes la vie éternelle !
Lucius Gemellus sursauta : l’homme venait de prononcer le nom de « Christ », il avait devant lui un chrétien ! Il se préparait à écouter la suite avec l’attention la plus extrême, mais il n’en eut pas le loisir. Le rabbin coupa la parole à l’orateur :
— Tu n’as pas le droit de parler ainsi ! Le Messie ne peut pas être mort sur la croix. Ce sera, au contraire, un guerrier invincible qui délivrera le peuple juif de la servitude.
— Le Christ est le Messie et il apporte le salut à tous les hommes de bonne volonté.
— Tu blasphèmes ! Le Messie ne s’adresse pas à tous les hommes, mais seulement à ceux qui ont la vraie foi.
L’orateur ouvrit la bouche pour répliquer, mais, sur un signe du rabbin, plusieurs fidèles se saisirent de lui et le jetèrent dehors sans ménagement.
Lucius Gemellus n’hésita pas : il se leva de son banc. Il fallait absolument qu’il retrouve cet homme et qu’il l’interroge. Mais à sa grande surprise, il ne fut pas le seul à agir ainsi. Tous les craignant-Dieu firent de même, les hommes aussi bien que les femmes, et tous se retrouvèrent dehors, dans la cour entre les hauts immeubles, sous le figuier géant.
L’orateur avait été jeté à terre et s’était relevé. Il était occupé à essuyer la poussière dont il était couvert quand il vit arriver le petit groupe.
— Qui êtes-vous ?
L’un des compagnons de Lucius prit la parole :
— Des craignant-Dieu. Nous ne sommes pas juifs, mais nous fréquentons la synagogue, certains d’entre nous depuis longtemps. Nous avons été intéressés par tes paroles. Est-il vrai qu’il n’y a pas besoin d’être juif pour connaître le vrai Dieu ?
— C’est vrai. Le Christ s’est adressé à tous les hommes, les juifs et les païens, les hommes
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