l'incendie de Rome
baptême… C’est vrai que vous êtes connus dans tout le quartier du Circus Maximus. Ils m’ont dit que tu étais allé t’approvisionner chez les paysans d’Ombrie, qui vous fournissent en huile.
Lucius reconnut bien la présence d’esprit de ses parents. Ils avaient pour consigne de garder secrètes ses activités auprès de Tigellin et d’inventer quelque chose si un étranger se présentait. Mais les propos de Délia venaient de provoquer en lui une vive inquiétude.
— Tu as déjà été baptisée ?
— Non. C’est dans cinq jours, le premier dimanche de juillet.
— Qu’est-ce que c’est que « dimanche » ?
— Un jour de la semaine, le jour sacré des chrétiens, comme le samedi pour les juifs.
Lucius calcula rapidement… Le concours allait durer trois jours. Le lendemain aurait lieu la grande fête que Tigellin préparait en cachette de l’empereur pour célébrer sa victoire. Le cinquième jour, il serait parfaitement libre de se rendre au baptême, car il était douteux que Néron le veuille auprès de lui à ce moment-là.
— Je viendrai ! Est-ce que ce sera chez Paul ?
— Oui, mais ce n’est pas lui qui me baptisera, ce sera Pierre !
— Qui est-ce ?
— Le premier compagnon du Christ.
Lucius lui dit toute la joie qu’il éprouvait. Puis il changea de sujet :
— Et ces agressions, elles ont continué ?
— Non. Il n’y en a pas eu depuis que tu m’as quittée.
Une barre soucieuse apparut sur le front de Délia.
— Mais cela ne me rassure pas. Je suis sûre qu’il prépare quelque chose de plus grave encore. Je ne sais pas pourquoi, je me dis qu’il va tout faire pour empêcher mon baptême.
— Comment en serait-il informé de ton baptême ?
— Je ne sais pas, mais j’ai peur !
Délia se reprit. Elle n’était pas du genre à se laisser à aller. Elle se remit à sourire.
— Pendant que nous parlons, les galettes ne se vendent pas ! Je dois y aller…
Lucius lui sourit à son tour.
— Je vais te faire rattraper le temps perdu. Tu veux bien que je t’aide ?
Délia avait deux paniers, un à chaque bras. Il lui en prit un, s’installa un peu plus loin et, comme d’habitude, sa bonne humeur, sa faconde et son charme firent merveille. Il écoulait même la marchandise plus vite que la jeune femme. De temps en temps, ils échangeaient un regard de complicité. Lucius se sentait heureux pour la première fois depuis des mois. Le petit convive qui s’était invité à leur repas dans la chambre funéraire était toujours au milieu d’eux et il n’était pas près de les quitter.
Le grand jour était enfin arrivé. Il coïncidait avec une brusque élévation de la température. Il faisait même une chaleur caniculaire. Cela n’empêchait pas le public de se presser dans les jardins de la colline vaticane, d’habitude à l’écart de tout et si calmes. Il était évident que les quarante mille places du théâtre ne suffiraient pas pour accueillir tout le monde et la bousculade était telle qu’on craignit un moment qu’il n’y ait des victimes. Enfin, les plus chanceux prirent place sur les gradins et attendirent avec impatience le moment où l’empereur allait chanter.
Le chant n’était pourtant par pour tout de suite. Le concours commençait par la présentation des candidats et le tirage au sort de leur ordre de participation. Ils étaient quarante en tout, qui allaient se disputer le prix… Lucius n’était pas dans le public. Néron avait voulu qu’il reste avec lui dans les coulisses pendant toute la durée de la compétition. Il se tenait donc auprès de Terpnus, qui était là lui aussi… Les uns après les autres, les concurrents furent appelés sur scène et Lucius pouvait voir l’empereur pâlir à mesure que son tour approchait. Enfin, le président du jury l’appela, par le nom sous lequel il s’était inscrit :
— Lucius Domitius Ahenobarbus !
La claque, qui savait que Néron se présenterait ainsi, fut la première à réagir. Ce fut l’occasion de découvrir de quelle manière Tigellin l’avait placée. Les applaudisseurs à mains creuses et avec les pieds étaient dans les premiers rangs à droite et à gauche, tandis que les applaudisseurs à mains plates se situaient au milieu, sur les gradins du haut… Surpris par ce vacarme, le public marqua un temps d’hésitation, mais il reconnut la silhouette massive
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