l'incendie de Rome
auprès de l’empereur l’avait empêché de rencontrer depuis des jours. Il regarda une dernière fois le couple. Un rayon de soleil venu de l’ouverture d’en haut l’éclairait vivement et il se répéta pour lui-même la dernière phrase de Paul, qui était plus vraie que jamais, quel que soit le sens qu’il fallait lui donner :
— L’amour est le plus grand.
6
Le théâtre du Vatican
De l’autre côté du Tibre, sur la colline vaticane, s’étendait un parc tracé par Auguste. Néron y avait fait construire une villa, un cirque personnel et un théâtre au milieu des bosquets. C’était là qu’il avait donné, les années précédentes, des fêtes privées, au cours desquelles il avait chanté. Lucius savait aussi, depuis qu’il l’avait entendu dire par Sénèque, qu’il allait s’y entraîner en secret à conduire les chars.
Il était près de midi lorsqu’il y parvint. Il trouva les lieux, qu’il n’avait jamais vus jusque-là, tout à fait charmants : alors qu’on était tout près de la ville, on avait l’impression de se trouver à la campagne. De nombreux chariots chargés de pierres et de matériaux de construction convergeaient dans cette direction. Une barrière délimitait l’accès au domaine. Un détachement commandé par un officier montait la garde. Ce dernier reconnut Lucius.
— Tu trouveras le préfet au théâtre. Tu n’as qu’à suivre les chariots. Ils y vont tous.
Lucius partit dans cette direction, le long d’une large voie pavée bordée de lauriers-roses, dont les fleurs étaient en bouton. La grande masse du théâtre apparut au sortir d’un tournant, au milieu d’un chantier sur lequel s’affairait une armée d’ouvriers. Il s’agissait visiblement de travaux d’agrandissement. La construction d’origine s’élevait en bas, en pierre plus sombre ; la partie neuve avait déjà doublé la capacité initiale et la structure s’élevait encore.
Comme Lucius approchait, un grondement partit en provenance du théâtre. Il n’avait jamais rien entendu de pareil ! C’était comme si une centaine de véhicules lourdement chargés avaient dévalé ensemble une pente. Le sol en tremblait presque. Très intrigué, il continua d’avancer et ne tarda pas à déboucher sur la scène. Le bruit venait de cesser aussi brusquement qu’il avait commencé. Il reconnut la massive silhouette du préfet du prétoire au milieu de la scène. Comme dans tous les théâtres, celle-ci était circulaire et les gradins s’élevaient autour en hémicycle. Sur ces derniers, il fut surpris de découvrir une nombreuse assistance. Ils n’étaient pas pleins, loin de là, mais il y avait quand même plusieurs milliers de personnes. En examinant mieux, il constata qu’il s’agissait uniquement de jeunes gens. Regardant de plus près encore, il remarqua qu’ils avaient tous les cheveux longs et portaient une bague à la main gauche. Tigellin, qui venait de découvrir sa présence, vint vers lui.
— Salut, Gemellus ! Je sais que les ennuis de voix de notre César t’ont libéré. Tu t’es remis à travailler pour moi ?
— Je reviens de chez les chrétiens.
— Tu n’as pas perdu de temps… Je t’écouterai avec intérêt tout à l’heure. Mais d’abord, j’en termine avec la claque.
— La claque ?
— Tous ceux que tu vois ont été recrutés pour acclamer l’empereur le jour du concours. Ils sont trois mille, répartis en trois groupes de mille : les applaudisseurs avec les pieds, les applaudisseurs à mains creuses et les applaudisseurs à mains plates. Mais tu vas constater toi-même !
Le préfet du prétoire revint se placer au milieu de la scène, face au public. Il fit un geste de la main, déclenchant aussitôt un véritable cataclysme. Les applaudisseurs avec les pieds s’étaient mis à frapper le sol frénétiquement. C’était ce bruit que Lucius avait entendu en arrivant, ce grondement presque aussi assourdissant que celui du tonnerre.
Mais ce n’était pas terminé, Tigellin fit un autre geste et les applaudisseurs à mains creuses entrèrent en action à leur tour, sans que cessent les premiers. Eux ne frappaient pas de manière continue, mais de façon rythmée, sur une cadence assez lente. C’étaient des coups sourds qui ébranlaient l’air et semblaient capables de tout faire s’écrouler. Lucius Gemellus n’avait jamais assisté au
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