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l'incendie de Rome

l'incendie de Rome

Titel: l'incendie de Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Nahmias
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et pure, veloutée dans les graves et cristalline dans les aigus, on ne pouvait pas l’entendre sans être sous le charme, elle vous transportait dans des régions célestes. Par comparaison, comme celle de Néron paraissait discordante et rauque ! Elle avait pour elle la puissance, mais l’harmonie appartenait à Hylas et à lui seul.
    Lucius se retourna vers l’empereur. Ce dernier, de toute évidence, pensait la même chose que lui. Il était blême et se décomposait à vue d’œil. Mais soudain il le vit faire un saut de joie et continuer par de folles cabrioles. Lucius regarda de nouveau la scène et comprit. Hylas s’essuyait le front d’un revers de la main : il était disqualifié !
     
    Le moment tant attendu eut lieu le lendemain, aux environs de midi. La bousculade aux abords du théâtre avait été plus grande encore que le premier jour, car, cette fois, on allait entendre l’empereur chanter. Des coulisses, Lucius ne cessait d’observer le public arriver. Les premiers rangs étaient occupés par les vestales et le sénat au grand complet. Il ne manquait rien de tout ce que Rome comptait de personnalités. Lucius remarqua aussi que des soldats venaient prendre place dans les travées, interdisant à quiconque de sortir car, s’en aller pendant le tour de chant de l’empereur équivalait à un crime de lèse-majesté.
    À l’appel de son nom, Néron arriva sur cette scène, salué à la fois par la claque et le public qui se manifestèrent en parfait unisson. L’ovation dura de manière interminable. Pendant tout ce temps, comme le voulait le règlement, il restait tourné vers l’assistance, un genou à terre. Enfin, le silence revint et, toujours selon le règlement, il se releva et alla s’incliner devant le jury. Il lui adressa la parole sur le ton du plus profond respect, presque avec humilité :
    — Nobles juges, j’ai fait de mon mieux pour perfectionner ma voix, mais des erreurs ne manqueront pas de se produire. Aussi, par avance, j’implore votre indulgence.
    La plupart des intéressés l’encouragèrent de la voix et du geste, mais certains, pris de court par cette attitude totalement inattendue de la part d’un empereur, ne surent que faire ni que dire, ce qui eut l’air de le glacer. Enfin, il entama son répertoire, d’une voix hésitante au début, mais qui s’affermit peu à peu.
    Les morceaux se succédèrent, salués à la fois par la claque et par le public, avec un sincère enthousiasme, semblait-il, de la part de ce dernier. Lucius entendit donc défiler tous ces airs qu’il connaissait par cœur pour avoir assisté à leur répétition jour après jour : « La fureur d’Hercule », « Canacé accouchant », etc. Néron les enchaînait sans défaillance, sans marquer un seul instant d’hésitation, et Lucius ne pouvait s’empêcher d’admirer sa phénoménale mémoire ainsi que sa résistance physique. Le temps passait et non seulement sa voix ne faiblissait pas, mais il restait inébranlable sous le soleil écrasant. Il était inondé de sueur mais, pas une fois, il n’avait esquissé le geste de s’essuyer le front.
    On en était au milieu de l’après-midi, et l’assistance, moins vaillante que l’empereur, commençait à manifester des signes de lassitude, notamment dans ses applaudissements. Mais le récital était loin d’être terminé. Néron mit de nouveau un genou à terre en direction des gradins et annonça :
    — Maintenant, avec votre permission, je vais interpréter des pièces de ma composition, spécialement écrites pour la circonstance.
    Tout recommença pendant des heures. Le public, c’était visible, appréciait de moins en moins. D’autant que les soldats interdisaient toujours de sortir et qu’il était impossible de satisfaire les besoins les plus naturels. En désespoir de cause, plusieurs feignirent de s’évanouir pour qu’on les évacue. Une femme poussa même des cris, disant qu’elle était sur le point d’accoucher. Cela créa tout un remue-ménage dans les gradins, dont l’empereur, concentré sur l’interprétation de son morceau, ne s’aperçut pas un instant.
    Lucius, lui aussi, trouvait le temps long, même s’il n’était pas en butte aux mêmes désagréments, car les coulisses étaient pourvues de commodités. Pour se distraire, il se mit à examiner les premiers rangs du public occupés par les

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