L'inconnu de l'Élysée
par Alain Devaquet fait descendre les jeunes dans la rue avec, à leur tête, un nouveau et talentueux meneur, Julien Dray, ancien trotskiste devenu socialiste. Alain Devaquet entend instaurer un filtrage à l'entrée des universités. Étudiants et lycéens (derrière David Assouline) se mobilisent par dizaines de milliers, multipliant occupations de locaux, grèves et manifestations. La tension monte. Le 28 novembre, Jacques Chirac demande aux députés de la majorité d'amender trois points contestés de la réforme concernant les droits d'inscription, la sélection, le caractère national des diplômes. Mais le Premier ministre ne parvient pas à calmer les étudiants. Le 4 décembre, une manifestation monstre rassemble quelque 500 000 personnes et se termine sur l'esplanade des Invalides par des affrontements très sévères au cours desquels on relève plusieurs blessés graves. Le lendemain, nouvelles violences. Le soir, un jeune étudiant, Malik Oussekine, meurt après avoir été tabassé par des « voltigeurs » (des policiers à moto, armés de longs bâtons, qui ratissent les rues). Le 6 décembre, Alain Devaquet présente sa démission. Jacques Chirac, rentré précipitamment de Londres, rencontre le soir même le président de la République. À l'issue de cet entretien, Mitterrand déclare : « La cohésion nationale doit passer avant toute chose. Je donnerai tort, et le pays avec moi, à quiconque usera de la violence. » Le 8 décembre, le Premier ministre retire le projet de réforme.
Pendant de l'affaire de l'école privée qui ébranla le premier septennat de François Mitterrand, celle de la réforme Devaquet plombe sérieusement le gouvernement Chirac et vaut une vindicte particulière à Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, le « grand méchant » de l'équipe.
Le gouvernement est également confronté à un problème qui, sans être nouveau, tend à prendre une dimension dramatique : le terrorisme. Trois bombes ont explosé dans Paris en février 1986. Michel Seurat, un otage enlevé à Beyrouth en mai 1985 avec Jean-Paul Kaufmann, meurt durant sa captivité. Une équipe d'Antenne 2 est enlevée à Beyrouth le 8 mars. Une bombe explose à bord du TGV Paris-Lyon le 17 mars. Le 20, un attentat perpétré sur les Champs-Élysées fait deux morts et huit blessés. Camille Sontag est enlevé à Beyrouth le 7 mai. Le 9 juillet, Action directe fait exploser une bombe à la préfecture de police : un mort et 22 blessés. Du 4 au 17 septembre, une série d'attentats perpétrés dans Paris fait 11 morts et plus de 150 blessés. Le 24 septembre, Marcel Coudari est enlevé à Beyrouth. Le 17 novembre, Georges Besse, président de Renault, est abattu par Action directe. Le 13 janvier 1987, le journaliste Roger Auque est enlevé à Beyrouth. Le 8 novembre, quatre passagers belges d'un bateau de plaisance, le Silco , ont été enlevés par le Fatah – Conseil révolutionnaire d'Abou Nidal…
À part celles d'Action directe, ces menées terroristes s'inscrivent dans une guerre secrète entre la France et l'Iran 6 , qui s'est radicalisée en raison de l'aide militaire apportée à l'Irak par la France alors que Bagdad et Téhéran, sont en guerre. C'est Charles Pasqua qui va, sur ce dossier, prendre le pas sur Jean-Bernard Raymond, ministre des Affaires étrangères, et qui va gérer les relations délicates entre Paris et Téhéran, avec le concours de Jean-Charles Marchiani dans le rôle d'émissaire secret, après la rupture, le 17 juillet 1987, des relations diplomatiques entre les deux capitales. À l'origine de cette crise, le refus de Walid Gordji, interprète à l'ambassade iranienne à Paris, de se présenter devant la justice française alors qu'il est soupçonné d'avoir joué un rôle dans certains attentats perpétrés dans la capitale. Jacques Chirac ne sera pas tenu au courant de toutes les tractations secrètes menées par Marchiani avec les Iraniens et leurs hommes au Liban, en Syrie et au Sénégal, en vue de libérer les otages français retenus au Liban. Alain Marsaud qui, en tant que chef de la section antiterroriste du parquet de Paris, suivait alors ces questions, a confié à Éric Zemmour 7 : « On croyait que ces affaires se géraient au plus haut niveau de l'État, alors qu'elles n'étaient gérées nulle part, sans vision, par à-coups. » Cette méconnaissance du dossier des relations secrètes avec Téhéran coûtera cher à Jacques Chirac quand il se
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