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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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services dans les quartiers défavorisés…
    Le quasi-abandon de sa promesse numéro un par Jacques Chirac n'a donc rien à voir avec ce qui est dénoncé chez lui comme un prétendu côté « girouette ». Dès son arrivée à l'Élysée, il a bien tenté de mettre en œuvre ses promesses sociales, mais il s'est vite trouvé confronté, comme tous les responsables politiques, aux redoutables « facteurs exogènes ».
    Se posent de ce fait quelques questions sur la prétendue toute-puissance du chef de l'État et sur l'importance de la marge de manœuvre des responsables de l'exécutif.
    Le président accepte volontiers de parler de « l'impuissance à faire les choses aussi vite et aussi profondément qu'on le voudrait ». On ne peut plus prosaïquement, il reconnaît : « C'est plus facile à dire qu'à faire. » Et de continuer en expliquant que « nos sociétés ont essayé de réagir, avec le communisme, contre la misère et contre l'inégalité ». Des réactions qui ont conduit tout naturellement à l'instauration de systèmes totalitaires comme le stalinisme. « Mais, poursuit Chirac, le libéralisme est lui aussi dangereux et conduira aux mêmes excès. C'est pourquoi on cherche une solution intermédiaire, qui se situe entre le communisme et le libéralisme. » Et, comme si je n'avais pas bien compris son rejet des deux grandes tentations idéologiques, le président insiste : « Je suis convaincu que le libéralisme est voué au même échec que le communisme, et qu'il conduira aux mêmes excès. L'un comme l'autre sont des perversions de la pensée humaine.
    – Vous avez prononcé le mot “impuissance”…
    – Oui, impuissance à aller vite . Car c'est difficile…
    – Avec la mondialisation de l'économie, nombre de décisions se prennent en fait ailleurs…
    – Avec la mondialisation, les contraintes européennes et nationales, les marges de manœuvre sont bien faibles. Mais on ne pourra maintenir longtemps un système qui consiste, en réalité, à laisser les gens faire pratiquement tout ce qu'ils veulent.
    – Vous voulez dire que l'on en reviendra à des formes d'organisation plus dirigistes, où l'État recouvrera un rôle plus important ?
    – Je ne crois pas au libéralisme qui est, à mon avis, une forme de déviance. Même si je caricature à dessein quand je dis que c'est la même chose que le communisme. Un bon équilibre, inspiré par la sagesse, se situera à mi-chemin des deux systèmes.
    – Vous êtes attaqué en permanence à propos du fossé qui s'est creusé entre vos promesses de réduction de la “fracture sociale” et ce que vous avez réellement accompli. Pourquoi n'avoir pas expliqué davantage les difficultés et obstacles auxquels vous avez été confrontés, et l'étroitesse de votre marge de manœuvre ?
    – Vous avez raison, nous n'avons pas assez expliqué pourquoi nous n'avons pas été plus vite. »
    Les résistances intérieures au changement, fût-il impulsé par le président, ont été très fortes. Avant même que les « facteurs exogènes » n'imposent une pause dans les réformes, le président et le Premier ministre ont dû se battre contre l'administration, celle des Finances en particulier. Ce fut également vrai quand le chef de l'État voulut imposer, durant son second mandat, ses plans de rénovation urbaine et de cohésion sociale. Jacques Chirac parle là d'un « combat permanent contre l'administration. Si j'ai beaucoup de respect pour elle – elle est généralement travailleuse et honnête –, elle a quand même parfois du mal à évoluer ! »
    Lors de notre entretien suivant, le président revient sur le délicat sujet de la réduction de la « fracture sociale » et sur les obstacles qu'il a dû surmonter ou contourner pour imposer ses projets. Rappelant d'abord que, lors de son premier mandat, les socialistes avaient gouverné pendant cinq ans : « Je ne veux pas polémiquer, surtout en période électorale, mais, durant ces cinq années de la période Jospin, on ne peut pas vraiment dire que cette question ait été la priorité des socialistes… » Au cours de son second mandat, Jacques Chirac s'est retrouvé avec une majorité plus libérale, philosophiquement opposée aux contrats aidés par l'État, ne croyant qu'à l'impact de la croissance sur l'emploi, donc favorable aux mesures censées la stimuler. Si le gouvernement Raffarin a mené à bien des réformes indispensables mais impopulaires –

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