L'inconnu de l'Élysée
Jacques Chirac sur le quotidien des Français, notamment en matière de réduction de la « fracture sociale », relève d'une mission impossible. Journalistes et auteurs n'ont pas de mots assez durs pour détailler et expliquer ses échecs. Même François Fillon, numéro deux de l'UMP, longtemps ministre, s'est hissé au niveau de ses plus virulents ennemis 1 en mettant en avant son « absence de réflexion politique », l'utilisation du « clanisme qui permettait aux plus serviles d'occuper souvent les plus hautes responsabilités », sa « référence permanente à une doctrine gaulliste qui n'était qu'un alibi pour ennoblir une banale entreprise de conquête du pouvoir », « l'irrésolution de sa politique intérieure et sa soumission systématique aux mouvements erratiques de l'opinion ». Dans ce fracas de méchants coups, seule Edith Cresson, ancien Premier ministre socialiste, ose écrire 2 qu'elle a « personnellement toujours été en très bons termes avec Chirac », avec qui elle a monté avec « succès des stratégies pour mieux défendre les intérêts de la France au Parlement européen ». Elle poursuit : « Il m'est impossible de considérer Chirac comme un adversaire, tant il est gentil et courageux. »
Si j'examine maintenant les courbes qui traduisent l'opinion des Français, je constate néanmoins une adéquation certaine entre leur tracé et l'opinion de la grande majorité des analystes. Où est la poule ? où est l'œuf ? Moins de cinq mois après son accession à l'Élysée, la majorité des Français n'avaient déjà plus confiance en lui 3 . Portée par celle que les Français accordaient à Lionel Jospin, l'opinion reprenait pourtant confiance en lui jusqu'en octobre 2000, puis hésitait jusqu'au début de 2003. La gestion de la crise irakienne lui redonnait la faveur des Français pendant un semestre. À partir d'août 2003, la courbe ressemble au toboggan du désamour. En juillet 2006, il n'y a plus que 16 % des Français pour lui faire encore confiance.
Le jugement porté par les Français sur le bilan 4 de Jacques Chirac amplifie ces mouvements. Ainsi, en 1997, il ne se trouve plus que 27 % des Français pour le trouver positif, mais, en 2000, ce chiffre a fait plus que doubler et s'établit à 56 %. En 2003, le jugement positif est de 52 %, avant de s'écrouler ensuite.
Intéressante également à regarder, la courbe du chômage 5 (perçu comme principal responsable de la destruction du lien social), car elle n'est pas homothétique de l'amplitude des mouvements d'opinion. Quand Jacques Chirac arrive à l'Élysée, on compte 2 872 000 chômeurs. Ce chiffre croît encore de 253 000 en 1997, pour redescendre jusqu'en 2001 à quelque 2,3 millions, avant de remonter jusqu'en 2005 et de redescendre ensuite. Un an avant l'expiration du second mandat de Jacques Chirac, on notait quatre cent mille chômeurs de moins qu'à son arrivée à l'Élysée. Les collaborateurs du chef de l'État sont convaincus qu'à la toute fin de ce mandat le taux de chômage des Français sera le plus faible depuis un quart de siècle.
Il est intéressant de souligner ici que le nombre des chômeurs n'a pas cessé de croître depuis le milieu des années 60, qu'il s'est amplifié avec le quadruplement des prix du pétrole en 1974, puis n'a pas arrêté de monter jusqu'en 1997. En 1975, Jacques Chirac, Premier ministre, confronté à un million de chômeurs, croyait voir le « bout du tunnel » ! François Mitterrand, après douze années passées à l'Élysée, avouait son impuissance, disant qu'on « avait tout essayé contre le chômage ». Mais c'est encore un socialiste, Lionel Jospin, qui expliquait à la France entière, le 13 septembre 1999, au « vingt heures » de France 2, l'impuissance de l'État à lutter contre ce fléau. Claude Sérillon avait alors demandé au Premier ministre : « Premièrement, est-ce que vous avez vraiment des marges de manœuvre, vous, le gouvernement, vous, l'État, lorsqu'une entreprise comme Michelin décide de licencier au nom d'une rentabilité meilleure, au nom du fait que les fonds de pension lui demandent d'agir ainsi… ? Est-ce que vous avez une possibilité d'action ? » Après quelques hésitations et digressions, Lionel Jospin lâcha ce terrible constat : « Je ne crois pas qu'il faille tout attendre de l'État ou du gouvernement. » Et le leader de la gauche de marteler un peu plus tard : « Je ne crois pas qu'on
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