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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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rendues au Centre hospitalier de Poissy. Il a souvent téléphoné à Marie-Anne, 11 ans, la fille de Bédier. D'une voix douce, il la rassurait sur l'état de santé de son père : « Je suis un peu sorcier, j'ai un peu des pouvoirs de marabout, ne t'inquiète pas : je sais que ton papa va s'en sortir 2 … » Le président du Conseil général des Yvelines pourrait parler des heures de cet épisode de sa vie : « Je n'oublierai jamais… À partir du moment où Jacques Chirac est venu, je n'ai plus jamais eu peur. Je savais que je guérirais, que je n'aurais pas de séquelles… Il sent au toucher l'énergie des hommes… »

    Franz-Olivier Giesbert avait déjà évoqué ce côté « sorcier » chez quelqu'un qui « prétend sentir les événements avant qu'ils n'arrivent 3  ». Tous les observateurs de la vie politique ont souligné l'aspect « tactile » des campagnes menées par Jacques Chirac. Le plaisir manifeste qu'il a à sillonner la France à la rencontre des Français, à serrer un maximun de mains. Quand on examine les courbes des sondages au fil de ses campagnes, on ne peut qu'être surpris par la façon dont elles se redressent. C'est pourquoi je tenais tant à l'interroger sur des aspects que n'abordent pas encore les traités de politologie !
    « Vous avez sûrement compris pourquoi je vous pose ces questions ? »
    Le président ne comprend manifestement pas où je veux en venir.
    « Il y a un mystère Chirac. On parle de votre charisme… Je comprends que vous ne vouliez pas me suivre sur un pareil terrain. Il n'empêche que le charisme est une notion indéfinissable, qui relève de l'irrationnel… »
    Jacques Chirac ne tient pas à aller plus loin dans l'explicitation de son côté « sorcier de Corrèze ». Toutefois, dans un autre entretien, de lui-même il m'a parlé de l'amour qu'il recherchait et de l'importance du contact par les mains.
    J'avais pour ma part visionné la première partie du documentaire de Patrick Rotman consacré à Jacques Chirac, Le Jeune Loup , avant sa sortie sur France 2, et avais été frappé par certaines images le montrant au milieu de foules imposantes. Je souhaitais lui en parler.
    « J'ai vu la première partie du documentaire que les frères Rotman vous ont consacré…
    – Je m'y fais engueuler, ou pas ?
    – Il y a des images sur les foules que vous drainez, et je voulais savoir si vous éprouviez le même type de sentiments qu'un Johnny Hallyday dans ses mégaconcerts. Ces marées humaines, ces ovations, les ressentez-vous de façon puissante ?
    – Oui, oui… Cela étant, j'ai toujours fait de la politique dans un cadre – UNR, UDR, RPR… – où c'était spontanément qu'on réunissait des foules, parce que les militants étaient disciplinés. Enfin, ils l'étaient à l'époque, et très nombreux…
    – Vous devez avoir des montées d'adrénaline, quand vous parlez devant des milliers de personnes qui vous ovationnent ? Dans votre façon de faire de la politique, on vous sent porté à aller serrer les mains des gens, à aller vers les autres, vous aimez cela…
    – Certes. Quand il y a des gens sur le bord de la route, je descends leur serrer la main. Vous savez, on apprend toujours quelque chose quand on serre la main des gens. On n'apprend pas toujours quelque chose quand on les écoute, mais on apprend toujours quelque chose en lisant dans leur regard et en leur serrant la main. »
    Jacques Chirac se ferme quand on tente d'entrer par effraction dans son intimité. Il a plusieurs herses à sa disposition. Il les utilisera l'une après l'autre au cours de la douzaine d'entretiens que j'aurai eus avec lui. La plus fréquemment utilisée : « Tout cela n'a aucun intérêt, c'est anecdotique », ou encore : « Je ne suis pas compliqué, je suis quelqu'un de simple… »
    Guérisseur ? Sorcier de Corrèze ? Quoi qu'il en soit, il gardera pour lui l'origine de sa passion de comprendre ce qui s'est passé aux petites heures de l'humanité, quand les premiers hommes ont voulu se protéger de forces qu'ils ne comprenaient pas, comment ils ont géré leur peur de la mort, comment ces choses difficiles à traduire dans notre culture occidentale ont été et sont encore appréhendées par les Inuits, les Africains. C'est probablement parce qu'il avait eu, par tradition familiale, accès à certains rudiments d'appréhension des forces primitives, qu'il s'est jeté à corps perdu dans la recherche du mystère des

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