L'inconnu de l'Élysée
une manifestation de vie…
Avec prudence, je décidai donc d'aborder cette question insolite avec le chef de l'État :
– Vous allez sans doute être choqué par ma question, mais elle est posée par un sourcier qui se veut pourtant rationaliste… On m'a dit que vous aviez des dons de guérisseur. Est-ce vrai ?
Interloqué, Jacques Chirac laisse passer quelques instants avant de répondre :
– C'est beaucoup dire, et ce n'est pas exact… Une partie de ma famille est d'origine corrézienne, notamment du plateau de Millevaches. J'ai des ancêtres dont on prétendait qu'ils étaient quelque peu guérisseurs. Enfin, ce qui est sûr, c'est que mon grand-père, mon père et moi sommes doués d'une sorte de sensibilité à l'état de santé des gens, sans plus. Je tente de leur remonter le moral… notamment à ceux qui sont atteints d'un cancer. En usant simplement de ma voix…
– On m'a pourtant dit que vous guérissiez ou soulagiez en touchant les malades avec vos mains…
– Non ! non ! Il est vrai que des cancéreux peuvent être soulagés d'entendre une voix. Est-ce que je me dis ça parce que j'ai tellement envie de les soulager ? Quelle est la part de vrai dans ce que je vous dis ? Ces histoires se sont peu à peu propagées…
« La main, c'est autre chose. C'est vrai qu'en gardant un certain temps sa main posée sur celle de handicapés mentaux profonds, on sent parfois qu'il se passe quelque chose, l'éveil ténu de certaines sensations qui ne s'expriment pas d'habitude mais qui, peut-être, sont stimulées par un contact physique… Avant, lorsque je m'en occupais beaucoup plus, je restais parfois ainsi une heure, une heure et demie. Et je sentais parfois qu'il se passait quelque chose… »
C'est tout naturellement que Jacques Chirac évoque « ce ministre charmant dont on a dû se séparer parce qu'il était poursuivi par la justice. Avait-il fait des conneries ? Je n'en ai aucune idée, et je ne porte pas de jugement 1 … En tout cas, il a été brillamment réélu président du Conseil général des Yvelines, et c'est un chic type. Je veux parler de Pierre Bédier. Un jour, je reçois un coup de fil de sa femme qui me dit qu'il est en train de mourir. Je lui réponds immédiatement : “J'arrive.” Bédier était à l'hôpital, allongé ; il ne bougeait plus du tout. J'étais estomaqué. Je suis resté là et je lui ai pris la main pendant au moins une heure, une heure et demie. Toutes les cinq minutes, je lui murmurais des choses affectueuses à l'oreille. Tout à coup, il a remué un doigt, puis il s'est réveillé… Depuis, sa femme et sa fille se sont répandues en prétendant que j'avais sauvé la vie à leur époux et père… »
Pierre Bédier s'est prêté de bonne grâce à mes questions. Il me décrit d'abord la maladie dont il était atteint : « Une leuco-encéphalite qui atteint la masse blanche des nerfs ; l'électricité ne passe plus… 90 % des gens atteints par cette maladie meurent, et 90 % des 10 % restants connaissent de graves séquelles neurologiques.
« Je suis resté au Centre hospitalier intercommunal de Poissy du 4 au 21 septembre 1994. Jacques Chirac, qui avait pourtant un emploi du temps chargé, est venu par deux fois me rendre visite. J'étais sous respiration artificielle, avec plein de tuyaux branchés… Apparemment, j'étais dans le coma, mais j'entendais ce qu'on disait autour de moi. Il est venu pendant la deuxième et la troisième semaine de mon hospitalisation. J'ai parfaitement entendu ce qu'il me disait. Vous imaginez le choc émotif que sa visite a produit sur moi. Lui, Jacques Chirac, mon héros en politique, celui pour qui je m'étais engagé à 18 ans, était à mon chevet… et me parlait ! “Je sens que tu progresses, me murmurait-il à l'oreille ; mon grand-père était un peu sorcier en Corrèze.” Et il s'est mis à évoquer les “forces puissantes, occultes”, la “vérité de l'humanité”… Je sentais qu'il dégageait de l'énergie… Il y a chez lui quelque chose de sauvage, de primitif… » Et Bédier de faire le lien entre ce don caché de Chirac et sa « passion volcanique » pour les arts et les peuples premiers. Il confie avoir eu la chance de l'écouter disserter sur ces sujets : « Je me faisais tout petit et je buvais ses paroles… Il y a chez lui un côté Indiana Jones : c'est un aventurier au bon sens du terme. »
Jacques Chirac n'a pas borné son intervention aux deux visites
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