L'inconnu de l'Élysée
l'avait remarqué, dès le début de notre mariage. » Et de raconter qu'après la naissance de Laurence, Jacques Chirac n'avait pas supporté de ne pouvoir la joindre au téléphone et avait aussitôt appelé le père de Bernadette, lequel lui avait fait part des inquiétudes de son mari : « Ma bonne fille, faites attention : Jacques vous a cherché. Où étiez-vous ? Il vous cherche, il s'angoisse… – Je ne vais tout de même pas rester attachée à ma chaise ! Je vais promener mon bébé au jardin. Je vais voir des amis… » Et de commenter :
« Il a toujours été comme ça. Dans l'absolu, il aurait aimé une épouse un peu courtisane, qui lui aurait tout le temps dit qu'il était le plus grand, le plus beau, le plus fort, le plus intelligent, que tout ce qu'il faisait était magnifique, qu'il réussissait tout… Ça n'a pas été mon cas. Pourquoi ? Sans doute parce qu'on s'est connus à Sciences-Po, que j'ai été formée à la critique, et qu'on s'est longtemps comportés comme quand nous étions étudiants… Forcément, je n'étais pas la femme éblouie… Je lui disais que ses actions n'étaient pas obligatoirement interprétées comme ses collaborateurs le lui rapportaient… Au bout d'un certain temps, j'ai fait très attention – car il m'appelait la “mouche du coche” – de ne point trop l'ennuyer. C'est assommant, d'avoir une femme qui vous fait des reproches toute la journée – mais ça n'est pas mon cas, je vous rassure… J'ai néanmoins essayé de lui apporter des critiques positives pour l'aider à exercer ses responsabilités… Étant moi-même élue du peuple, et j'en suis fière, je lui rapportais les échos que j'entendais en province : “Ce n'est pas tout à fait ça, Jacques ! Il n'y a pas que ce que vous disent les membres de votre cabinet…” Ça l'a souvent agacé. Il aurait aimé une femme toujours laudative. Il s'en trouve, des femmes comme ça… De toute façon, le plus beau, il l'est ! Et il est formidablement intelligent ! Lui non plus ne m'en fait pas beaucoup, de compliments ! Catherine Nay a pu dire qu'il n'était pas le “spécialiste de la félicitation conjugale”, c'est la vérité. Je sais pourtant qu'il aime bien des choses que je fais. Quand je vais dans les hôpitaux, sur le terrain, je sais qu'il est fier de moi, mais il a du mal à me le dire. Toujours la pudeur… »
1 Conversation , op. cit.
2 Ibid.
3 Ces paroles ont été prononcées quelques semaines avant le décès du professeur. Louis Bertagna avait été un grand résistant et avait participé au lancement de Témoignage chrétien .
4 La Maison de Solenn, dirigée par le professeur Marcel Rufo, a été inaugurée le 17 novembre 2004, en présence de Bernadette Chirac qui en a été l'inspiratrice, avec le soutien très actif de Patrick Poivre d'Arvor et de sa femme Véronique. La Maison des Adolescents porte le nom de Solenn en souvenir de leur fille morte à 15 ans. Cette institution est financée par l'opération « Pièces jaunes ».
5 Le petit-fils du président, fils de Claude Chirac.
6 Christophe Deloire et Christophe Dubois, Sexus Politicus , Albin Michel, 2006.
11.
Les tentes du nomade
Depuis son adolescence, il chemine en pensée sur la route de la Soie, tantôt escortant Bouddha en direction de Xian et du Tibet, tantôt accompagnant Zhang Qian et Marco Polo qui s'avancent vers l'Afghanistan et la lointaine Antioche, ou encore imaginant Gengis Khan et ses cavaliers mongols fonçant sur les cortèges de marchands avant de bâtir leur grand empire. Cette route dont les caravanes ont véhiculé tant de soieries, d'épices, de métaux précieux, mais aussi et surtout tant de savoirs, d'idées, de cultures et de croyances, relie ses deux mondes, l'Occident et l'Orient, mais aussi son adolescence à sa présidence.
Son côté nomade a souvent été souligné. Il est effectivement souvent ailleurs, mais sa principale tente est son bureau de l'Élysée dans lequel, à Paris, il vit sept jours sur sept, douze heures par jour. Plus petite est celle où il dort. Dans les deux sont installés objets et livres qui constituent son monde et reflètent sa vision du monde. Quand il quitte l'Élysée – pour les G8 et autres sommets –, faute de pouvoir emporter de ses objets ou de ses grigris, il ne se sépare pas d'une serviette de cuir noir que personne n'a le droit d'approcher, encore moins d'ouvrir, dans laquelle se trouve une reproduction en réduction, encore
Weitere Kostenlose Bücher