L'inconnu de l'Élysée
à ce qui est écrit dans Paris Match , il n'a « jamais donné de cours de latin… Elle a dit que c'était la première fois qu'elle embrassait un garçon… Je ne suis pas sûr que c'était vrai ». Et de souligner une nouvelle fois : « Je ne me souviens pas d'avoir dispensé des cours de latin. »
Quelques entretiens plus tard, après lui avoir rappelé mon souci de respecter sa vie privée, je lui rappelle l'article de Match sur sa fiancée américaine, qu'il m'avait montré.
« À vous de décider d'aborder ou non le sujet des femmes… Ont-elles joué un rôle important dans votre vie ?
– Je n'ai pas détesté les femmes, mais je n'en ai pas abusé. J'ai eu une petite fiancée américaine… et voilà tout. »
J'ai beau me montrer réservé sur un tel sujet, je trouve néanmoins que le président pousse un peu loin le bouchon. J'appelle son épouse à la rescousse, ou plutôt rapelle ses propos :
« Votre femme en parle. Elle écrit : “Les femmes, ça galopait…”
– Elle exagère !
– Hier soir, j'ai lu le premier chapitre de Sexus Politicus 6 , qui raconte une relation passionnelle que vous auriez eue avec une journaliste, alors que vous étiez pour la première fois à Matignon… Il est écrit que cette histoire a été rompue pour raison d'État par Marie-France Garaud… »
Le président m'écoute avec attention tout en donnant l'impression de découvrir pour la première fois cette histoire :
« Entre 1974 et 76 ? demande-t-il.
– Oui, elle travaillait au Figaro et vous accompagna dans un voyage en Roumanie…
– Possible… mais ce n'est pas une chose qui m'a beaucoup marqué… Je ne conteste pas.
– Ce n'est pas gentil pour elle !
– Les aventures amoureuses n'ont pas joué un rôle déterminant dans ma vie. Il y en a que j'ai bien aimées, aussi discrètement que possible…
– Il est écrit que vous étiez même prêt, à l'époque, à quitter votre femme ? »
Le ton du président change. Il réplique plus vivement :
« Il est tout à fait clair que je n'ai jamais imaginé de quitter ma femme. C'est tout à fait clair… »
Et, après un silence, il ne conteste plus du tout, en revanche, que « cela ait existé ». Autrement dit, il veut bien, en définitive, que j'écrive que l'histoire est vraie, sauf qu'il n'a jamais eu l'intention, à la faveur de cette liaison, de quitter sa femme.
Quelques semaines plus tard, Bernadette Chirac abordera elle-même ce délicat sujet d'un ton léger. Elle profite du départ de sa fille Claude, qui a assisté à la première partie de l'entretien, pour aller ouvrir une armoire et me montrer une grosse boîte de classement.
« Voilà le quart de ce que je possède. Il m'a envoyé une montagne de lettres et de petits mots. Je les ai tous gardés. Et il continue à m'écrire des petits mots. Je sors le soir, lui se couche de bonne heure : il me laisse un mot. Il va à un Sommet, moi je pars en Corrèze : il me fait parvenir un mot… C'est un aspect de l'homme qu'il est important de connaître. Bien sûr qu'il a été un coureur : quel est l'homme politique qui ne l'est pas ou ne l'a pas été ? Mais il y a tout de même quelque chose de très fort entre nous… »
J'évoque devant elle le chapitre d'un ouvrage qui fait allusion à une passion de son mari – elle cite elle-même le titre : Sexus Politicus –, et la discussion que j'ai eue à ce propos avec lui. Elle sourit et me fait comprendre qu'elle est parfaitement au courant de cette histoire ; en même temps, elle me dit croire le président quand il déclare n'avoir jamais voulu la quitter. Puis, toujours avec le sourire, elle enchaîne sur une anecdote relative à sa belle-mère qui lui lança « avec beaucoup d'audace et d'assurance » : « N'est-ce pas, ma petite fille, les divorces, c'est pas le genre de la famille ! Pas de divorce dans notre famille ! »
Manifestement toujours amoureuse et admirative de son mari, elle reparle en ces termes de ses conquêtes : « Il a été très beau… Les femmes ont beaucoup couru après lui. Il avait beaucoup de charme, un abattage terrible. Vous savez très bien que les femmes courent après le pouvoir. C'est comme ça, il faut le savoir… »
Illustrant son propos de quelques exemples, Bernadette Chirac me fait savoir que le président tient à ce qu'elle soit toujours à ses côtés ou à portée de téléphone : « Il faut que je sois là. Je suis son point fixe. Papa
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