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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Péan
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j'étais le numéro 3. Puis, les choses ont évolué. Il était dans la nature des choses que je reprenne mon indépendance, notamment au regard d'un problème essentiel sur lequel nous avons divergé rapidement : le problème européen. Ils étaient l'un comme l'autre anti-européens, alors que moi, j'étais pour une certaine idée de l'Europe. Petit à petit, on s'est donc perdus de vue. Ç'était terminé et ils m'en ont voulu…
    – Ils se sont beaucoup répandus sur vous… Surtout Marie-France Garaud qui a martelé que vous étiez un homme sans convictions, une girouette. Cette image n'a cessé de vous coller à la peau…
    – On est tous plus ou moins influençables. Encore une fois, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Quand l'influence tient à la compétence, il est tout à fait normal de se laisser influencer par elle. Ce qui est fâcheux, c'est de changer d'avis sans motif. Je n'ai jamais eu le sentiment de changer d'avis sans avoir une bonne raison de le faire… »

    Le 15 juin 1969, Georges Pompidou est élu président de la République avec 58,21 % des voix. Il nomme le gaulliste Jacques Chaban-Delmas à Matignon. Estimant qu'il n'a pas encore terminé sa formation, tout en le considérant déjà comme son futur dauphin, le président maintient Jacques Chirac au secrétariat d'État au Budget sous la coupe de Valéry Giscard d'Estaing, ministre des Finances. Une tutelle que Chirac accepte volontiers, tant il est alors fasciné par le brio et l'intelligence de Giscard. Dès lors, VGE et Chirac (celui-ci cornaqué par Pierre Juillet et Marie-France Garaud, tous deux conseillers influents de Pompidou à l'Élysée), constituent une faction anti-Chaban, promoteur du concept de « nouvelle société », vilipendé par la plupart des « barons » gaullistes.
    Jacques Chirac commence à être connu. L'ORTF brosse son premier portrait le 26 juin 1970 dans l'émission Panorama . En janvier 1971, il devient ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement. Il est fait « Samouraï de Corrèze » dans un bel article que lui consacre Georges Suffert dans L'Express . Il est dès lors intronisé « baron 24  » du gaullisme pompidolien. Si René Tomasini devient le patron nominal de l'UDR, le parti gaulliste, c'est Jacques Chirac qui en est le véritable animateur, qui définit la ligne et prépare les déclarations 25 . Tandis que Chaban s'affaire à Matignon à défendre sa Nouvelle Société, Chirac, devenu proche de Jacques Foccart et donc des éléments du SAC, s'active contre lui.
    Fin août, il se prépare à affronter en tête à tête Georges Marchais, secrétaire général du PCF, dans le cadre de l'émission À armes égales . Il participe à cette fin à la confection d'un petit film violemment anticommuniste et a choisi, pour tenir le rôle de l'ouvrier, un membre familier du SAC. « De la folie ! » s'insurge Foccart quand il apprend le nom de l'« ouvrier », bien connu dans vingt-quatre départements ! Il en prévient Chirac et lui trouve in extremis un remplaçant en la personne d'un autre membre du SAC, de chez Citroën, anonyme celui-ci 26 . Le nouveau ministre des Relations avec le Parlement fait pâle figure face à la rouerie de bonimenteur du secrétaire général du PCF…
    La position de Chirac dans la machine gaullo-pompidolienne est telle que c'est lui qui est également chargé de s'occuper des scandales qui secouent l'UDR, notamment l'affaire de la Garantie foncière 27 . Il est plus à la manœuvre au parti qu'à son ministère. Les relations avec les députés et sénateurs ne sont manifestement pas son domaine de prédilection. « On admet généralement que j'ai été le plus mauvais ministre de la V e République », dit-il de lui-même.
    Quand Chaban est congédié de Matignon et remplacé par Pierre Messmer, à la grande satisfaction de Chirac et de ses amis, celui-ci demande à Pompidou de changer de maroquin et obtient le ministère de l'Agriculture. Il va y donner toute sa mesure.
    « L'Agriculture, ça m'a passionné. D'abord je comprenais ce que disaient les gens, je sentais ces choses-là, j'étais persuadé que la France était un pays qui pouvait avoir une grande ambition agricole. Qu'il fallait produire plus pour nourrir davantage de gens, et qu'il y avait donc là la possibilité d'un grand dessein. J'ai été un homme heureux au ministère de l'Agriculture. C'est même le moment le plus

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