L’Inconnue de Birobidjan
pâtée. Câétait dans notre intérêt, de leur filer un coup de main. On a envoyé des camions, des machines-outils, du matériel médical et même des armes⦠Et puis, quand les Japs nous sont tombés sur le dos à Pearl Harbor, la Mandchourie nous a inquiétés. Câétait leur base arrière, sous le nez de Staline. Et lui, il ne pouvait pas être au four et au moulin, pas vrai ? Lancer toutes ses divisions contre les nazis à Stalingrad et surveiller ses fesses à lâautre bout de la Sibérie ? Sans compter quâon avait des informations comme quoi les Japonais trafiquaient des armes nouvelles pour la bataille dans le Pacifique. Ils avaient des usines pour ça à Harbin, en face du Birobidjan. Câétait notre job, de sâintéresser de plus près à ça. On a profité dâun contingent dâaide médicale pour le Birobidjan. Il y avait pas mal dâargent et de matériel. Les Soviets nâont pas été trop zélésâ¦
Mundt sâobstina :
â Donc, si je résume, vous confirmez la déclaration du témoin. Votre agent est entré chez les Soviets en 42 ?
OâNeal pointa du doigt le dossier posé devant Wood.
â Le rapport contient les détails de lâopération auxquels vous pouvez accéder.
Le marteau de Wood sâabattit avant que Mundt réagisse à nouveau.
â Les explications de M. OâNeal sont suffisantes pour lâinstant, Sénateur. Je partage son avis : il est préférable que la Commission examine ce dossier avant de poursuivre lâaudition.
Wood consulta sa montre, ajouta sèchement :
â Il est temps de déjeuner. Nous reprendrons dans trois heures.
Là , il nous surprit tous. Il y eut un joli ballet de regards. Mundt, hautain, fusilla Wood de ses yeux gris. Wood fourra le précieux dossier dans sa sacoche et marmonna quelques mots qui tirèrent un rictus à Nixon. Cohn quitta sa place en fixant McCarthy. McCarthy eut une moue dâapprobation avant de jeter un coup dâÅil à lâIrlandais. OâNeal surveillait Marina tout en bouclant sa serviette. Elle, elle déplia avec soin son caraco blanc. Elle lâenfila sagement avant que les flics fassent cliqueter les menottes.
Elle ne donna pas le moindre signe dâavoir conscience de ma présence.
Â
Après que les flics eurent emmené Marina, la salle se vida en un clin dâÅil. Cohn disparut par la grande porte en compagnie de lâIrlandais, suivi de près par McCarthy etNixon. Ils étaient entre gens de bonne compagnie, ils devaient avoir beaucoup à se dire.
Je ne mâattardai pas non plus. Devant moi, Shirley bataillait pour dégager le rouleau de la machine de sténo. Sans aucune galanterie, je la laissai se débrouiller. Au passage, je glissai un billet dans son sac à main. Jâaurais donné cher pour savoir ce que racontait le dossier dâOâNeal concernant la mission dâApron. Je nâespérais pas de miracle. Peu de chances que Wood le laisse traîner sur son bureau. Pourtant, on ne savait jamais. Les bonnes secrétaires possèdent des yeux de lynx et des oreilles de chat. Shirley était très au-dessus du lot dans toutes les catégories.
Ma Nash mâemmena aux bureaux du journal, derrière Vernon Avenue. La circulation du milieu de journée était dense. Le vent avait tourné à lâest. Lâasphalte des rues luisait et les parapluies étaient de sortie. Un petit crachin rendait la ville triste et molle.
Lâagence, désertée pour le déjeuner, était aux trois quarts vide. Deux ou trois secrétaires tiraient sur des sandwichs pour économiser quelques cents . Je trouvai un message sur ma machine à écrire. Sam Vasberg, mon patron de New York, avait appelé. Il voulait que je lui retourne la politesse dès que possible.
Sam pouvait attendre. Je fis tourner le cadran de mon téléphone. La voix égale dâUlysse résonna dans le combiné, mâannonça que jâétais bien à la résidence de maître T. C. Lheen. Je dus patienter deux ou trois minutes avant dâentendre le grognement qui servait de salut à T. C.
â Jâai des nouveautés, T. C.
â Je vous écoute, mon ami.
Je lui racontai par le menu lâaudience du matin. Je
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