L’Inconnue de Birobidjan
lâukrainien, le yiddish et lâallemand. Il était doué pour les langues, mais il voulait devenir médecin. Depuis toujours. Il mâa dit : « Aussi loin que je me souvienne, où quâon aille, quels que soient la ville ou le pays, il y avait des malades autour de nous. Je détestais ça. » Pendant ses études, on lui a proposé dâêtre espion. à cause de toutes les langues quâil connaissait. Et aussi parce que ceux qui le recrutaient savaient quâil détestait les bolcheviks et Staline à cause de la mort de son père. Il nâa pas accepté tout de suite. Seulement quand ils lui ont proposé de se rendre au Birobidjan comme médecin. Là , câétait différent. Il pourrait exercer, soigner. Câétait un bon médecin. Tout le monde lâaimait, pas seulement les Juifs. Il allait jusque dans la campagne. Même en hiver avec la neige.Son accent nous amusait. Personne ne se doutait de rien. Pourtant, avec le comitéâ¦
â Monsieur le président !
OâNeal sâagitait depuis un moment. Il interrompit brutalement Marina.
â Monsieur le président, je ne crois pas quâil soit bon de laisser votre témoin poursuivre. Son témoignage sur un agent de lâOSS ne peut pas être crédibleâ¦
â Pourquoi ? Je répète ce que Michael mâa raconté.
â Miss Gousseïevâ¦
â Si vous pensez que je mens, dites-nous ce que vous savez⦠On verra bien.
â Je ne suis pas ici pour discuter de la personnalité et du passé dâun agentâ¦
â Alors, pourquoi êtes-vous ici, monsieur ?
Câétait le sénateur Mundt. Il ne sâétait pas beaucoup manifesté jusque-là . à présent, il se tenait raide derrière son micro, la colère lui soulevant les sourcils et plissant son grand front pâle. Plus que jamais il arborait cet air hautain, vaguement supérieur, dâuniversitaire qui a déjà tout compris.
â Venez-vous juste témoigner devant cette commission que vous ne pouvez rien dire ?
â Il était entendu avec le procureur Cohn que mon témoignage concernerait les informations disponibles sur le Birobidjan ! protesta lâIrlandais. Pas la mission dâun agentâ¦
â Le procureur Cohn a ses compétences, la Commission a les siennes, monsieur OâNeal. Et il est bien question des conditions de la mort de lâagent Apronâ¦
McCarthy tenta dâintervenir :
â Sénateur Mundt, on pourraitâ¦
Mundt, ne lui accordant pas un regard, laissa éclater son irritation :
â Monsieur le président, je ne vois pas ce qui empêche M. OâNeal de répondre à des questions qui nâengagent pas la sécurité de lâÃtat ! Cette mission au Birobidjan est achevée depuis cinq ans. Depuis hier, le nom de lâagent Apron estpublic. Si M. OâNeal doit contredire Miss Gousseïev, nous devons lâentendre.
Malgré sa fureur, Mundt était parvenu à prononcer le nom de Marina correctement. Peut-être commençait-elle à lui plaire ? Elle lui en fut reconnaissante, lui adressa un sourire et déclara doucement :
â Michael mâa dit quâil était arrivé à Birobidjan au printemps 42. Quelques mois après lâattaque de Pearl Harbor par les Japonais.
Wood était dépassé. Il leva son marteau. Mundt ne le laissa pas faire.
â Vrai ou faux, monsieur OâNeal ? Câest une précision que vous pouvez nous confirmer, jâen suis sûr ?
LâIrlandais chercha de lâaide auprès de McCarthy et de Nixon. Ils restèrent imperturbables. Wood reposa son marteau en grommelant :
â Pouvez-vous répondre au sénateur Mundt, monsieur OâNeal ?
â Il faudrait vérifier dans les documents, répondit lâIrlandais avec un geste dâagacement.
â Monsieur OâNealâ¦, commença Mundt.
â Je vous réponds, monsieur. Je ne me souviens pas avec précision de la date. Je vous ai expliqué ce matin quâon avait profité dâune opportunité pour envoyer des gars chez Staline. Câétait presque officiel. Quand Hitler a envahi lâURSS, pendant cinq ou six mois on a bien cru que les Soviets allaient prendre la
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