L’Inconnue de Birobidjan
nâinsistai guère sur le Birobidjan, plutôt sur ce que jâavais appris dâApron. Jâachevai sur la petite bagarre entre Mundt et ses collègues de la Commission.
â Mundt a lâair dâavoir une dent contre McCarthy. On dit quâil est assez proche de Nixon mais mou quand il sâagitde sâengager. Peut-être quâil est simplement un peu moins enragé quâeux ? Possible aussi que Marina lui plaise ? Je tâcherai dâen apprendre davantage. Quant au type de la CIA, OâNeal, câest un de ces ronds-de-cuir qui se prennent pour des maîtres de lâespionnage. Donner une parcelle dâinformation lui arracherait le cÅur. Vous auriez dû voir sa tête quand Marina a lâché le morceau sur le passé dâApron.
â La question, câest de savoir si votre Russe dit la vérité sur ce brave garçon. Elle peut avoir tout inventé.
â Elle peut. Mais OâNeal ne lâa pas contredite.
â Si la contradiction est dans ce dossier remis à Wood, pas besoin de le faire en public.
Je lui expliquai que jâavais peut-être un moyen dâen savoir plus sur ce dossier. Jâajoutai :
â La CIA peut elle aussi raconter nâimporte quoi sur Apron. Ce ne serait pas la première fois.
â Vrai.
â Jâai pensé quâon pourrait faire un bout dâenquête nous-mêmes. Ãa ne doit pas être trop compliqué. Si Apron était véritablement médecin, il a dû sâinscrire dans un organisme de santé quelconque. Et il a sans doute fait ses études à New York. Je dois parler avec Sam, à New York. Pas impossible que le nom dâApron soit familier à quelques Juifs de Brooklyn ou du Lower East Side.
Il y eut un silence à lâautre bout du fil. Jâentendis le craquement dâune allumette. Ce fut comme si je voyais la fumée flotter autour du visage rondelet de T. C. lorsquâil me dit :
â Il faut espérer que ce type ait été sincère avec votre Russe. Comment pouvez-vous être sûr que ce nom, Apron, nâétait pas un nom dâemprunt ? Câest peut-être ça que ce OâNeal ne veut pas rendre public : sa véritable identité. Il y a une sorte dâétiquette et de superstition chez les gars de cette sorte : ne jamais être celui quâon croit.
T. C. avait raison. Je nây avais pas pensé. Pas une seconde.
Je ne pus mâempêcher de grommeler :
â Il était son amant etâ¦
â Tous les espions ont des maîtresses.
â Je voulais dire quâilâ¦
Je mâarrêtai. Ce que jâallais dire ne tenait pas debout. T. C. ne mâépargna pas :
â Quâil lâaimait ? Quâen savez-vous, Al ? Elle le croit peut-être. Ou cherche à vous le faire croire. à vous et à la Commission. Câest de bonne guerre. Et alors ? Notre seule certitude pour lâinstant, câest la mort de cet agent. Votre Russe est la seule personne à savoir comment. Mais elle doit se méfier du moindre mot : elle risque de griller sur la chaise. En vingt ans de carrière, je nâai jamais vu que ça inclinait à dire la vérité.
â T. Câ¦
â Quâest-ce que lâamour, si jamais câest de cela quâil sâagissait, peut bien changer, Al ?
Il enfonça le clou avant quâun son sorte de ma gorge.
â Et depuis quand un agent de lâOSS se balade-t-il chez lâennemi avec son nom de famille ?
â Ãa a bien dû se faire à lâoccasion. Pas plus tard que pendant la dernière guerre. La vérité est parfois plus trompeuse quâon ne lâimagine.
T. C. approuva par un rire léger. Rien de réconfortant.
Il voyait juste, et je le savais. Tout ce qui était sorti de la bouche de ce type, Apron ou Mister Nobody, était suspect. à commencer par cette belle et triste histoire de sa vie quâil avait racontée à Marina.
â OK. De toute façon, on ne le saura quâen fouillant, marmonnai-je avant de changer de sujet. Il y a un truc qui mâintrigue. Cohn nâa pas pipé mot, ce matin.
â Il a peut-être la tête ailleurs. Ãa remue pas mal autour de ce type quâils ont arrêté la semaine dernière. Ce Greenglass
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