L’Inconnue de Birobidjan
proposé à M. A. Gousseïev dâaller danser. Elle a refusé.
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Cit. :
M. A. Gousseïev  : Ce nâest pas un soir où les Juifs peuvent danser. Ce serait comme danser sur les cendres de nos morts. Vous, vous pouvez aller danser sur le cadavre dâHitler. Pour vous, pour ceux dâici, câest la fin de la guerre. Pour nous, les Juifs, câest seulement le début dâun souvenir qui ne finira jamais de nous dévorer le cÅur.
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Ces mots mâont touché. Je suis resté avec elle. Pour la première fois nous avons eu une longue conversation apaisée. Durant des heures, elle a évoqué sa vie au Birobidjan et sa rencontre avec Apron.
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Cit. :
Moi  : Ces amies de Birobidjan, si vous retourniez là -bas, elles vous accueilleraient ?
M. A. Gousseïev  : Peut-être. Grand-maman Lipa et Beilke, Iaroslav, qui sait ? Mais une seule chose compte pour moi : retrouver Michael.
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Dans le courant du mois de mai, M. A. Gousseïev a retrouvé un certain calme mental, bien que la souffrance que pouvait endurer Apron en captivité soit pour elle une source constante de détresse et la rende irritable et impatiente. Jugeant le risque désormais raisonnable, je lui ai donné plus de précisions sur mes moyens et mes objectifs. Nous avons examiné ensemble plusieurs stratégies pour atteindre le camp minier de Grossevitchi.
Nous sommes convenus quâil était essentiel dâorganiser lâévasion avant le retour du froid (octobre). Seul une fuite par la mer était envisageable. Nous devions obtenir (payer) la complicité dâun patron marinier, voire de son équipage. Marina Andreïeva a suggéré dâutiliser son expérience des camps pour entrer dans celui de Grossevitchi et sâassurer de la présencedâApron. Très vite il fut évident que le point faible de tous les scénarios possibles demeurait dans la fuite. M. A. Gousseïev comme moi, nous savions quâun retour à Vladivostok et un séjour en URSS avec Apron seraient impossibles. à cette occasion, M. A. Gousseïev a exprimé fortement quâelle suivrait Apron où quâil aille. Elle ne considérait plus lâURSS comme son pays et elle accepterait de devenir citoyenne des Ãtats-Unis. Nous sommes convenus que le passeport US fourni par Détachement 407 porterait son nom dâépouse : Maria Apron.
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Le 20 juin, jâai informé Détachement 407 de lâensemble des éléments ci-dessus en demandant :
1. de valider, compléter ou proposer dâautres stratégies.
2. des moyens financiers adaptés à lâachat de la complaisance dâun marinier.
3. la possibilité que la Navy fournisse un bâtiment de rendez-vous sur le 48 o Nord dans une zone à +/- 250 milles nautiques de la côte sibérienne.
Dès cette période, et de son propre chef, M. A. Gousseïev sâest fait engager dans un cabaret du port de Vladivostok (danseuse, chanteuse, conteuse). Elle considérait que câétait le plus sûr moyen dâentrer en contact avec un patron marin susceptible de convenir à notre projet.
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Le 2 juillet, jâai reçu lâinformation quâun rendez-vous avec un bâtiment de la Navy était inconcevable avant plusieurs mois (jâignorais alors, comme toute personne vivant en Union soviétique, que la Navy était engagée à Okinawa dans la destruction finale des forces navales japonaises). Les ordres confirmaient lâélaboration de notre plan tel que conçu, avec la perspective dâun « rescue team » dans le courant de lâautomne.
La déception de M. A. Gousseïev a été très violente. Elle a avancé pour la première foislâhypothèse que nous puissions nous rendre au Japon après la libération dâApron. Lâurgence était de libérer Apron avant le retour de la neige. Les côtes de lâîle dâHokkaidŠétant à moins de 200 miles nautiques de Grossevitchi, elles étaient tout aussi accessibles par un caboteur moyen quâun point de rendez-vous avec un bâtiment de la Navy. Néanmoins, le Japon étant toujours en guerre contre nous, cette hypothèse restait inenvisageable. Nous sommes convenus de poursuivre lâopération, en
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