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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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eux comme si elle possédait un mécanisme. Pour la première fois, Staline posa ses lèvres sur son épaule nue.
    â€” Si tu joues au cinéma, c’est ici que je te verrai.
    Ensuite, lorsqu’il fit glisser sa robe, l’attira vers les coussins du divan, il y eut un peu de gêne. Il lui baisa encore les épaules, le cou. Chercha à envelopper ses seins. Rien de brutal. Seulement un peu de maladresse, de précipitation. Quand elle fut presque nue, il s’apaisa. Ses caresses devinrent plus lentes. Sans oser croiser son regard, il voulut savoir si c’était la première fois.
    â€” Non, non…
    Elle entendit sa propre voix. Un coassement bas, un souffle qui sortait d’une caverne. Il ne lui demanda pas comment cela se pouvait. À son âge. Tant mieux. Mais quand il chercha sa bouche, elle se mit à trembler. Il eut de nouveau son rire de gamin.
    Â 
    Elle ne dormait pas vraiment. Elle sombrait puis avait l’impression de se réveiller presque aussitôt. L’écran reflétait toujours le peu de lumière des veilleuses. Elle parvenait à peine au fond de la salle et au divan où ils s’étaient affalés.
    Il s’était endormi d’un bloc malgré l’inconfort de leur position. Longtemps, il l’avait tenue enlacée, rivée à lui. Elle n’osait pas bouger de peur de le réveiller. Elle voulait aussi éviter de penser. L’épuisement l’avait finalement entraînée dans un sommeil pâteux. On eût dit qu’elle s’enfonçait dans une eau épaisse avant de remonter. Au bord de la surface, elle était sur le point de se réveiller. Elle avait à nouveau conscience du corps lourd qui pressait ses flancs.
    Il dormait la tête reposée contre sa poitrine. Il avait gardé sa chemise, seulement déboutonnée. Son buste dessinait une masse plus sombre dans la pénombre. Par instants, il ronflait. Un souffle chargé de vodka. Elle n’osait pas le toucher. Non qu’il soit repoussant ou qu’il lui répugne. Rien de tout cela. Simplement, il lui était redevenu totalement étranger. Comme s’il n’était pas tout à fait humain. Comme si elle avait une sorte de statue contre elle.
    Elle leva son bras libre pour se dégourdir l’épaule. Dans l’obscurité, sa chair nue flamboya comme de la craie. Elle voulait fuir les images qui lui revenaient. Ne pas penser à quoi elle ressemblait maintenant. Elle ne devait plus se laisser aller au sommeil. Ne pas risquer d’être endormie quand il ouvrirait les yeux.
    Peut-être avait-elle somnolé un peu quand elle entendit un bruit. Une sorte de frôlement. Comme une porte quel’on ouvre avec précaution. La peur la réveilla pour de bon. Elle se redressa autant qu’elle put. Scruta la pénombre. Guetta l’apparition d’une silhouette, d’une ombre devant l’écran entre les sièges.
    Non. Rien. Une illusion.
    Elle se laissa retomber contre les coussins. La lourde tête avait roulé sur sa poitrine. Il grommela sans se réveiller. Sa moustache lui frôlait la pointe d’un sein, irritante. Elle se dégagea avec précaution, le retenant par son épaisse chevelure. Mon Dieu, on aurait cru une mère repoussant son petit enfant trop gourmand ! Elle battit des paupières pour éloigner le picotement des larmes.
    Si seulement il existait une formule magique qui eût pu transformer cette nuit en une simple folie de l’imagination !
    Sa main restait dans ses cheveux. Elle n’osait pas la retirer de crainte que sa tête bascule en arrière pour de bon. Qu’allait-il penser d’elle, à présent ? Allait-il vraiment écrire à Boulgakov ? Peut-être avait-il raison, elle devrait chercher des rôles au cinéma.
    Elle l’imagina, ici, dans cette salle, assis dans un de ces fauteuils au milieu des autres, les Mikoïan, Kalinine, Vorochilov, Molotov, tandis qu’elle apparaissait sur l’écran. Peut-être souhaiterait-il la revoir ? Demanderait-il à Egorova de la conduire à nouveau jusqu’ici ?
    Mais les cris de Nadedja Allilouïeva, sa rage, elle n’arrivait pas à les oublier. Elle frissonna, pressa instinctivement la tête du dormeur contre elle. Egorova avait dit : « La plus grande diva de la jalousie que saint Lénine ait

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