L’Inconnue de Birobidjan
Staline est morte à lâhôpital dâune crise dâappendicite.
â Câest faux. Elle sâest suicidée.
â Câest vous qui le prétendez.
La Russe se contenta de hausser les épaules. Nixon jeta un regard vers McCarthy et Wood. McCarthy intervint :
â Vous avez la preuve de ce suicide ?
â La preuve ?
Elle se mit à rire. Un vrai rire, léger, moqueur. De ceux qui accompagnent une bonne plaisanterie.
â Je suis la preuve, monsieur. Personne ne sait mieux que moi où était Iossif Vissarionovitch Staline quand sa femme est morte. Pendant le repas, elle nâétait pas malade. Elle était en colère.
â Mais vous nâavez pas la preuve de ce suicide ?
â Câest la vérité.
Nixon reprit la main :
â Vous ne lâavez pas vue se suicider. Vous nâavez même pas vu son corps.
â Croyez ce que vous voulezâ¦
â Vous avez déjà menti sur beaucoup de choses, Missâ¦Goussov ! grinça McCarthy.
Depuis le début, Nixon et lui sâacharnaient à ne pas prononcer son nom correctement.
â Je ne pouvais pas faire autrement. Jâavais peur dâêtre arrêtée.
â Câest ce qui arrive quand on ne respecte pas la loi ! sâexclama pompeusement Wood.
Elle lui fit face avec une rage quâon ne lui avait pas encore connue.
â Jâai utilisé un faux passeport, câest vrai, mais je nâai rien fait de mal. Maintenant, vous le savez. Je nâai plus de raison de mentir. Je dis la vérité. Le suicide de Nadedja Allilouïeva a détruit ma vie. Si elle ne sâétait pas tuée, aujourdâhui je serais une grande actrice. Là -bas, chez nous, et même ici, chez vous ! Câétait mon destin ! Elle sâest suicidée cette nuit-là . à cause de ça, jâai passé mon temps à fuir et à voir sâeffondrer tout ce qui comptait pour moi.
Sa voix dérailla sur ces derniers mots. Ses yeux sâenfonçaient sous lâombre des paupières. Son chignon se défaisait. Des mèches sâeffondraient contre sa nuque. Des volutes de cheveux ébouriffées comme des plumes dâoiseau. Exactement ce quâil fallait à Cohn. Il en profita et prit le relais des sénateurs.
â Vous voulez dire que câest à cause de cette nuit au Kremlin que vous êtes devenue une espionne ?
â Combien de fois faudra-t-il que je vous le répète ? Je ne suis pas une espionne. Je nâai jamais été une espionne.
â En ce cas, si vous nâaviez rien à cacher, pourquoi avoir donné un faux passeport quand vous êtes arrivée dans notre pays ?
â Vous le savez parfaitement ! Parce que je nâen avais pas ! Chez nous, il nây a que des passeports intérieurs. Pas des passeports pour voyager dans le monde. Et ici, on ne mâaurait jamais laissée entrer sans un passeport. Michael mâavait prévenue. La police de la frontière mâaurait renvoyée là -bas. Ou on mâaurait mise dans un camp. Vous aussi, vous avez des camps. Je le saisâ¦
â Michael ? Vous voulez parler de lâagent Apron que vous avez tué ?
â Arrêtez ! Arrêtez de répéter ça ! Câest faux. Je ne lâai pas tué, ce nâest pas vraiâ¦
Tout le monde sâattendait à ce quâelle explose. Elle baissa seulement la tête. Je ne voyais plus que son dos. Les tendons de sa nuque aussi durs que du bois. Les claviers des sténos cliquetèrent encore quelques secondes, puis le silence retint tout monde. Même Cohn. Pas bien longtemps.
â Miss Gousseiev, que sâest-il passé après⦠cette nuit au Kremlin ?
Elle hésita avant de se redresser.
â Jâai disparu. Comme Galia Egorova me lâavait recommandé.
â Comment avez-vous fait ?
â Facile. Je suis tombée malade. Jâavais dû prendre froid quand on a marché dans la neige. Je nâavais pas les bonnes chaussures. Jâai eu une fièvre terrible, de quoi mourir. Ce nâétait pas plus mal. Ãa me donnait une bonne raison pour abandonner mon rôle sans que personne me pose de question. On mâa remplacée, et voilà .
â Vous avez revu
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