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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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juste après. Mets-toi bien dans la tête que tu n’es pas encore en règle, camarade. Le directeur Levine dit que tu es engagée au théâtre. Il a le document. On verra, le comité décidera.
    Elle s’écarta aussi brusquement qu’elle s’était approchée. Le capitaine donnait des ordres, pressait la distribution de soupe.
    â€” Ça suffit, les larmes ! Ça suffit, le train va repartir.
    Il héla des soldats, leur ordonna de se rapprocher. Metvei Levine toucha le bras de Marina.
    â€” La commissaire a raison, tu devrais descendre tes bagages.
    Il la poussa vers le wagon. Une écuelle de soupe à la main, le patriarche la fixa. Elle s’immobilisa, incapable de faire un pas de plus. D’autres visages se levaient vers elle, puis se détournaient. Que pensaient-ils ? Qu’elle les abandonnait ! Qu’elle les trahissait, qu’elle n’était pas des leurs !
    Elle se tourna vers Levine, ôta la couverture de ses épaules et la lui tendit.
    â€” Ce n’est pas possible. Je ne peux pas rester ici. Je dois aller avec eux.
    Levine ouvrit la bouche pour protester. Un cri d’enfant jaillit au-dessus d’eux :
    â€” Pani, pani Marina !
    C’était la fillette qui l’avait appelée un peu plus tôt. Elle tendait la couverture bariolée. Derrière elle, un homme apparut, portant le sac et la valise de Marina.
    Elle ne bougea pas. Levine la pria une nouvelle fois de prendre ses bagages. L’homme les lui tendit. Elle secoua la tête, les mots hors d’atteinte. Levine lança :
    â€” Nadia, occupe-toi de ses bagages !
    La jeune fille blonde qui avait protégé Marina du froid un peu plus tôt attrapa la valise qu’on lui tendait, puis le baluchon et la couverture, que la fillette lui abandonna. Les soldats tenaient déjà les poignées de la porte. Marina cria. Lesenfants ouvraient des yeux immenses. Des femmes serraient leurs visages humides entre leurs paumes. Le patriarche fit un petit geste de la main, un adieu ou une caresse dans l’air. La porte du wagon se ferma. La locomotive cracha un jet de vapeur. La fumée s’enroula au-dessus d’eux et voila le soleil. Les roues du train tournèrent. Marina s’élança. La longue main de Levine agrippa son bras.
    â€” Non ! Je t’en prie, camarade. Ça ne sert à rien.
    Â 
    Dans les semaines qui suivirent, Marina demeura hantée par la pensée de ce convoi disparaissant derrière un talus de neige.
    La fumée de la locomotive stagna longtemps au-dessus des rails vides, telle une nuée de ténèbres dans le ciel resplendissant de soleil. Aveuglante, la neige immaculée se reflétait contre la grande verrière en demi-lune du fronton de la gare. Le quai se vidait. Le petit groupe venu attendre le train disparut dans le hall. Leurs bassines vides tintèrent comme des cloches dans l’air glacé. Les soldats s’éloignèrent, nonchalants, sans avoir repris le rang. La brume dorée de leur haleine moutonnait entre les canons de leurs fusils. La politruk, suivie du capitaine, était déjà hors de vue. Klitenit, le vice-président du comité, s’écarta de Levine pour rejoindre à son tour le hall de la gare. Marina lui barra le chemin.
    â€” Que vont-ils devenir ? À Khabarovsk, que vont-ils devenir ?
    Metvei Levine répondit à la place de Klitenit :
    â€” Des gens s’occuperont d’eux. Ce n’est pas la première fois.
    Marina l’ignora, patienta pendant que Klitenit tirait un paquet de cigarettes de sa tunique. Un paquet neuf, aussi rouge que le drapeau soviétique. Il ôta un gant pour en faire sauter la bande, déchirant les lettres dorées de CCCR.
    â€” Peut-être qu’on les renvoie d’où ils viennent, marmonna-t-il en glissant une cigarette sous sa moustache jaunie.Peut-être aussi qu’on les installe quelque part en attendant la fin de la guerre.
    â€” Dans un camp ? Un camp de zeks ?
    Levine intervint à nouveau. La camarade Gousseïeva devait être épuisée. Il fallait se défier du soleil d’hiver, à Birobidjan, il masquait la férocité du froid… Pourquoi n’allait-elle pas boire un thé, au chaud au buffet de la gare ?
    Ni Marina ni Klitenit ne lui prêtèrent attention. La jeune

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