Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
Vom Netzwerk:
couverture sur les épaules de Marina.
    â€” Camarade actrice Marina Andreïeva Gousseïev ?
    La jeune fille s’écarta pour laisser place à deux hommes. L’un d’eux était âgé, petit, un visage de paysan, creusé derides mais le regard clair sous de gros sourcils broussailleux. L’autre devait avoir à peine plus de trente ans. Un homme d’une parfaite beauté. Un visage de prince aux yeux dorés, une bouche mobile, des lèvres ourlées, vaguement féminines, des épaules hautes, fermes. Marina murmura que oui, c’était elle. Le froid lui durcissait le menton.
    â€” Sois la bienvenue au Birobidjan, camarade Gousseïeva !
    â€” Bienvenue ? Ici…
    Il rit. Un beau rire de gorge, profond, comme on les travaille pour la scène.
    â€” De quoi es-tu surprise, camarade ?
    Marina chercha le regard de l’autre homme. Il demeura impassible. Elle serra la couverture autour d’elle. Elle tremblait de tout son corps.
    â€” À Yekaterinaslavka, on nous a dit que ce n’était pas possible, que Birobidjan était « zone militaire interdite ». Qu’on ne nous laisserait même pas descendre du train…
    â€” Eh bien, tu vois, tu es descendue !
    Le jeune homme souriait. Un sourire léger, gracieux. Il tenait la lettre de Mikhoëls dans sa main gantée.
    â€” Il y a toujours des malentendus. Ceux de Yekaterinaslavka font comme s’ils ne comprenaient pas. C’est vrai, nous sommes en zone militaire. À cause des Japonais, comme tu dois le savoir. L’entrée de nos camarades non russes y est interdite jusqu’à la fin de la guerre. Mais ça ne te concerne pas. Tu n’es pas une immigrante étrangère, camarade Gousseïeva. Ton passeport intérieur dit que tu viens de Moscou. Tu as une lettre d’embauche de Solomon Mikhoëls pour notre théâtre… C’est tout à fait différent.
    Il inclina la tête et le buste en un salut théâtral, tendit la main à Marina.
    â€” Je suis Metvei Levine, directeur du théâtre yiddish de Birobidjan. Ton directeur, si tu le veux bien.
    Le sourire était aussi éclatant que la neige, la main longue et nerveuse. Marina tendit la sienne, abasourdie. L’hommeaux gros sourcils agita un journal en yiddish qu’il tenait dans sa main gantée et déclara :
    â€” La camarade devra quand même se présenter devant le comité, Metvei. Se présenter et être acceptée par la commissaire. Il ne faudrait pas l’oublier…
    Une voix rabotée par le tabac, habituée à donner des ordres. Levine approuva d’un signe.
    â€” Je te présente Shmuel Klitenit, camarade Marina Andreïeva. Shmuel a raison. Il connaît toutes ces procédures : il est le vice-secrétaire du comité de gestion de Birobidjan. Mais je suis certain qu’il n’y aura pas de difficultés.
    Marina les écoutait à peine. Le froid lui serrait les tempes. La tête lui tournait. Les mots entraient en elle comme des aiguilles. Elle n’était pas certaine de comprendre. Elle n’allait donc pas repartir ? Elle allait rester au Birobidjan ?
    Le soleil sur la neige du quai était aveuglant. Le long du convoi les portes des voitures s’ouvraient, les soldats accompagnaient les femmes qui allaient chercher du bois. Les bras chargés de bûches, certaines se tournaient vers l’avant du train, curieuses.
    Des éclats de voix retentirent. La politruk et le capitaine réapparurent sur le marchepied du wagon. Ils sautèrent sur le quai. Le groupe d’hommes et de femmes, qui se relayaient pour ne pas déposer les bassines de soupe dans la neige glacée, s’approcha de la porte coulissante. Des phrases en yiddish fusèrent. Tout le monde parlait en même temps. Questions et réponses se mélangeaient. Des femmes pleuraient en s’embrassant, les hommes serraient des mains. Une fillette cria vers Marina :
    â€” Pani Marina !
    On la dévisagea avec surprise. Elle se tourna vers Levine et Klitenit.
    â€” Eux, ils vont où ?
    â€” Khabarovsk, comme prévu !
    La politruk avait entendu sa question et y répondait avant les autres. Elle ajouta :
    â€” Si tu as des bagages, tu ferais bien de les descendre avant la fin de la distribution de soupe. Le train repart

Weitere Kostenlose Bücher