L'industrie de l'Holocauste Reflexion sur l'exploitation de la souffrance des juifs
associations juives américaines ne pouvaient rien faire pour changer le passé récent au Proche Orient, et très peu pour son avenir, elles pouvaient s'employer à raviver les souvenirs de l'Holocauste. Ainsi, l'explication fondée « sur l'affaiblissement des souvenirs de l'holocauste » offrait un programme d'action '^.
40. Novick, The Holocaust, p. 149-50. Novick cite ici l'érudit juif respecté, Jacob Neusner. 41.1bid.,pp. 153 et 155.
Pourquoi l'explication fondée sur « l'effacement de s souvenirs » était-elle « la plus répandue »? Comme Novick le montre lui-même en s'appuyant sur des documents nombreux, le soutien qu'Israël s'était ménagé à l'origine ne devait pas grand chose aux « souvenirs des crimes du nazisme"^^ » et, de toute façon, ces souvenirs s'étaient fanés bien avant qu'Israël perde le soutien international. Pourquoi les élites juives ne pouvaient-elles faire que « très peu pour l'avenir » d'Israël? Pourtant, elles étaient à la tête d'un réseau formidable. Pourquoi « raviver les souvenirs de l'Holocauste » était-il le seul programme d'action? Pourquoi ne pas soutenir l'opinion internationale qui appelait unanimement au retrait d'Israël des territoires occupés pendant la guerre de 1967 en même temps qu'une « paix juste et durable » entre Israël et ses voisins arabes (Résolution 242 de l'ONU)?
Une explication plus logique, mais moins charitable, est que les élites juives américaines ne se souvenaient de l'holocauste nazi avant 1967 que lorsque c'était politiquement utile. Israël, leur nouveau patron, avait fait fonds sur l'holocauste nazi pendant le procès d'Eichmann". Après la guerre de 1967, partant de cette efficacité avérée, les associations juives américaines ont exploité l'holocauste nazi. L'Holocauste (avec une majuscule comme je l'ai déjà noté) une fois adapté idéologiquement s'avéra l'arme parfaite pour désamorcer les critiques d'Israël. Je vais montrer comment cela s'est fait exactement. Il faut néanmoins souligner dès à présent que pour les élites juives américaines l'Holocauste remplissait la même fonction qu'Israël : un pion parmi d'autres, d'une valeur inestimable, dans le jeu de la conquête du pouvoir. Le souci affiché du souvenir de l'holocauste était aussi artificiel que le souci affiché pour le destin d'Israël''^ Ainsi, les associations juives américaines pardonnèrent rapidement à Ronald Reagan et oublièrent sa déclaration délirante de 1985 au cimetière de Bitburg : les soldats allemands enterrés là (dont des Waffen SS) étaient « victimes des nazis au même titre que les victimes des camps de concentration ». En 1988, Reagan reçut le prix « Humanitaire de l'année » d'une des institutions de l'Holocauste les plus éminentes, le Centre Simon Wiesenthal, en raison de « son soutien loyal à Israël » et, en 1994, il
42. Ibid.,pp. 69à77.
43. Tom Segev, The Seventh Million, New York, 1993, 5^ partie.
44. Le souci des survivants de l'holocauste nazi était tout aussi artificiel : dangereux avant 1967, ils étaient réduits au silence ; devenu un atout après juin 1967, ils furent canonisés
reçut le prix « Flambeau de la liberté » de l'ADL, organisation pro-isrélienne"^^.
L'éclat du révérend [noir américain] Jesse Jackson « fatigué et écœuré d'entendre parler de l'Holocauste » un peu auparavant, en 1979, ne fut pas si rapidement oublié ni pardonné, néanmoins. En fait, les attaques des élites juives américaines contre Jackson n'ont jamais cessé, bien qu'elles ne soient pas dirigées contre « ses remarques antisémites » mais contre « son alignement sur la position palestienienne » (Seymour Martin Lipset et Earl Raab)''^ Dans le cas de Jackson, il y avait un facteur supplémentaire en jeu : il représentait des groupes avec lesquels les associations juives américaines se battaient depuis la fin des années 1960. Dans ces conflits également, l'Holocauste s'avéra une arme idéologique puissante.
Ce n'est pas la prétendue faiblesse, la prétendue isolation d'Israël, ni la peur d'un « second Holocauste » mais plutôt sa force désormais prouvée et son alliance stratégique avec les États-Unis qui amenèrent les élites juives à stimuler l'industrie de l'Holocauste après la guerre de 1967. Sans le vouloir, Novick fournit la meilleure preuve de cette thèse. Pour prouver que ce sont des considérations politiques et non la solution finale nazie, qui ont déterminé
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