L'industrie de l'Holocauste Reflexion sur l'exploitation de la souffrance des juifs
arrivé, que j'ai rêvé. Mais ils savent que c'est vrai ! »
Même à l'école, « les garçons me montrent du doigt, tendent le poing et hurlent: " Il délire, ce n'est pas vrai. Menteur ! Il est dingue, fou, c'est un imbécile." » (entre nous : ils avaient raison). Le bourrant de coups de poing, répétant des refrains antisémites, tous les enfants non juifs font front contre le pauvre Benjamin, pendant que les adultes répètent sans cesse : « Tu inventes tout ça ! ».
Alors que Benjamin est au fond du désespoir, l'Holocauste lui apparaît. « Le camp est toujours là - il est simplement caché et bien déguisé. Ils ont simplement enlevé leurs uniformes et revêtu de jolis vêtements pour qu'on ne les reconnaisse pas... Laisse-les imaginer un seul instant que tu pourrais être juif et tu le sauras : ce sont eux, j'en suis sûr. Ils sont toujours capables de tuer, même sans uniforme. » Plus qu'un hommage au dogme de l'Holocauste, Fragments est une révélation : même en Suisse, cette Suisse neutre, tous les Gentils veulent tuer les juifs.
Fragments a été proclamé classique de la littérature de l'Holocauste. Le livre a été traduit dans une dizaine de langues et il a obtenu le Prix national du livre juif, le Quar-terly Jewish Prize et le prix de la Mémoire de la Shoah. Vedette de documentaires, des conférences et des séminaires de l'Holocauste, des quêtes de fonds pour le musée mémorial de l'Holocauste des États-Unis, Wilkomirski est rapidement devenu l'emblème de l'Holocauste.
Daniel Goldhagen, qui a salué dans Fragments « un petit chef d'œuvre », était le champion de Wilkomirski dans le milieu universitaire. Des historiens sérieux comme Hilberg, cependant, ont rapidement traité Wilkomirski de faussaire. C'est Hilberg aussi qui a posé les questions qu'il fallait après la révélation de la fraude : « Comment a-t-on pu prendre ce livres pour des souvenirs dans des maisons d'édition? Comment a-t-il pu valoir à M. Wilkomirski des invitations au musée mémorial de l'Holocauste des États-Unis ou dans les universités en vue ? Comment se fait-il que nous ne contrôlions pas du tout la qualité quand il s'agit de juger les documents sur 1' Holocauste pour
décider de leur éventuelle publication?"^' »
Wilkomirski, qui est à la fois un fou et un charlatan, a, en fait, passé toute la guerre en Suisse. Il n'est même pas juif. Il faut lire, cependant, les nécrologies que l'industrie de l'Holocauste a consacrées à cette mystification après qu'elle fut dévoilée :
Arthur Samuelsonn (éditeur) : « Fragments est un livre très sympa... C'est une fraude seulement si on le considère comme un document. Alors, je le rééditerais dans la catégorie fiction. Peut-être que tout ça n'est pas vrai, et alors il n'en est que meilleur écrivain ! »
Carol Brown Janeway (traductrice et éditrice) : « Si les accusations... s'avèrent exactes, alors, ce qui est en cause ce ne sont pas des faits matériels qui peuvent être vérifiés mais des faits spirituels qui doivent être appréciés. Ce qu'il faudrait, c'est peser les âmes et c'est impossible. »
Ce n'est pas tout. Israël Gutman est directeur à Yad Vashem et maître assistant d'Holocauste à l'université hébraïque de Jérusalem. C'est aussi un ancien d'Ausch-witz. D'après Gutman : « il n'est pas très important » que Fragments soit une mystification. « Wilkomirski a écrit une histoire qu'il a vécue intensément ; c'est certain... Ce n'est pas un usurpateur. C'est quelqu'un qui vit cette histoire très profondément dans son âme. Sa peine est authentique. » Alors, il importe peu qu'il ait passé la guerre dans un camp de concentration ou dans un chalet suisse ; Wilkomirski n'est pas un usurpateur si « sa peine est authentique » : ainsi parle un survivant d'Auschwitz devenu expert de l'Holocauste. Les autres inspirent le mépris ; Gutman, simplement la pitié.
Le New Yorker intitulait son article dévoilant la fraude de Wilkomirski « Voleur d'Holocauste ». Hier, on faisait fête à Wilkomirski à cause de ses récits sur la méchanceté des Gentils ; aujourd'hui on le condamne parce qu'il n'est qu'un méchant Gentil de plus. C'est toujours la faute des Gentils. Bien sûr, Wilkomirski a inventé son passé d'Holocauste mais la vérité, c'est que l'industrie de l'Holocauste, fondée sur une appropriation frauduleuse de l'histoire à des fins idéologiques, ne pouvait que louer le faux de Wilkomirski, « un
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