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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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porter des plis, galoper jusqu’à Versailles ! Ce n’est plus de mon âge, reprit-il alors d’une voix bourrue.
    Et aussitôt, il ajouta :
    — Allez-vous laisser mourir cet homme de chagrin ou faut-il que je coure lui porter votre réponse ?
    — Dis-lui qu’il patiente jusqu’à demain.
    — Patiente jusqu’à demain. Et j’emploie le tutoiement, j’imagine. C’est bien ça ?
    — Oui, fais-le pour moi.
    — Et pourquoi doit-il patienter jusqu’à demain ?
    — Ce soir, je serai à Versailles et je verrai le roi.
    — Doux Jésus ! Déjà ? balbutia Bonnefoix en se signant.

    La journée passa trop vite. Madame de Sévigné ouvrit d’autres commodes où d’autres effets sommeillaient. À deux heures, nous n’avions rien décidé. La marquise me faisait face, détaillant cette nouvelle robe qui ne lui plaisait pas :
    — Non ! Ce n’est pas encore cela. Cette tenue manque... d’esprit !
    Elle était à mes côtés et nous faisions face à un miroir vénitien soufflé dans le verre de Murano. Comment définissait-elle une robe disposant de cette qualité ?
    — La mienne est légère. Elle ne gêne pas mes mouvements. Et elle donne aux femmes cet esprit qui trouble celui des hommes.
    Elle montrait son décolleté. Soudain, elle frappa dans ses mains :
    — Nous y sommes ! Tu mettras cette robe ainsi que mon collier et ces boucles d’oreille. Non, non ! Pas de discussion... C’est fait.
    — La taille ? murmurai-je. Ne pensez-vous pas qu’elle soit un peu trop large ?
    — Allons ! Des ciseaux, du fil et les doigts de fée de notre bonne Louise. Dans une heure, tout sera prêt.
    — Vous ferez subir à cette robe des maux irréparables.
    — À quoi bon pleurer sur un morceau de tissu ? Il ne me guérira pas de mon âge. Les pétales de roses qui fleurissent cet ensemble sont trop beaux pour faner dans un meuble. La Rose est des fleurs la plus belle. La Rose est le bouquet d’Amour. La Rose est le parfum des Dieux. La Rose embellit toutes choses, Vénus de Roses a la peau, Et l’Aurore a les doigts de Rose, Et le front le Soleil nouveau... Ronsard a si bien pleuré sur le temps qui file... Ces roses se montreront à la cour. Et au Roi-Soleil ! Que pourrait-il leur arriver de mieux ?

    Ainsi, le mardi 3 novembre 1682, à sept heures du soir, je pénétrai dans la cour royale du château de Versailles. Mardi, jeudi, samedi étaient les soirées consacrées à la cour. Le roi recevait. Et la semaine tournait autour de ces trois moments décisifs. Le carrosse me déposa devant l’entrée du Grand Escalier des Ambassadeurs où un monde bruyant et agité se pressait.
    Les hommes arboraient fièrement des tenues d’apparat qui mélangeaient l’or et la soie. L’épée se voyait rehaussée d’un ruban dont le modèle se répétait sur les manches des vestes. Le carmin, le cyan, l’indigo illuminaient les écharpes, ces larges bandes d’étoffe portées sur l’épaule, et qui descendent à l’oblique sur la hanche. Chapeaux, ceintures, boucles des chaussures déclinaient ces mêmes couleurs qui se retrouvaient sur les robes des femmes. Toutes étaient décolletées de soie et de coton brodé, toutes portaient de riches et beaux colliers. Cet examen me soulagea. Je n’étais pas démodée . En revanche, je n’avais pas d’éventail comme ces dames qui plaçaient cet accessoire devant la bouche et le nez, et dont je compris l’usage en découvrant leurs œillades. Les hommes aussi regardaient les femmes et cherchaient une contenance dans la tenue de leur canne. Ils se tenaient droit sur leurs petits talons, haussant leur taille par l’épaisseur de leurs perruques et de leurs chapeaux.
    Je n’étais pas descendue du carrosse et, depuis cette position, j’apercevais une forêt de plumes, piquées sur les chapeaux. Ajoutées aux cris, elles complétaient le tableau de la volière. Paons et perdrix jacassaient, allant de l’un à l’autre, riant et s’extasiant de leurs propres mots. Puis, sans crier gare, une nuée s’envola vers le Grand Escalier qui conduisait aux Appartements.
    D’innombrables flambeaux éclairaient la scène, encadrée par des serviteurs muets et hiératiques. Ils accompagnaient l’entrée des courtisans, et ce n’était que le vestibule. À l’abri du carrosse, peu décidée à en descendre, j’observais la mascarade et j’allais de surprise en étonnement. Le plus inattendu me parut ces enfants habillés pareillement que les grandes personnes, et qui saluaient

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