L'Insoumise du Roi-Soleil
ami.
Il me tendit un pli d’un geste brusque. Son visage se ferma :
— J’ai cela pour vous. Je peux bien vous le dire : c’est François de Saint Val qui vous écrit.
Ma gorge se serra :
— Il est donc venu ! Pourquoi ne m’as-tu pas prévenue ?
— Il n’a pas voulu. Quand il a su que vous étiez avec le marquis de Penhoët, il a mâchonné entre ses lèvres que vous aviez eu raison d’espérer et que votre ténacité triomphait de tout. Ce qui compte, a-t-il ajouté, c’est de faire son bonheur. Il parlait de vous d’une toute petite voix.
— Que c’est touchant, murmurai-je.
— J’en parle pour cela. Je cherche ce qui pourrait vous faire plaisir, bougonna-t-il.
— Donne-moi d’autres détails. Comment était-il ?
— Bien habillé. Ce n’est plus Beltavolo de la Commedia dell’Arte .
— Mais quoi encore ?
— Triste, je vous dis. Et un peu bêta de ne pas vous voir. Enfin, je pense qu’il vous a écrit tout cela.
— As-tu lu sa lettre ?
— Ah ! sûrement non, mademoiselle. Mais nous en avons parlé comme deux amis. Sa plume tremblait. Il s’y est repris à dix fois. Il ne savait comment s’adresser à vous.
— Que c’est tendre, soufflai-je.
Jean-Baptiste redressa le torse et tira sur les pans de sa veste :
— Et bêta, je vous l’assure... C’est pourquoi je me suis permis de lui donner un conseil, plastronna-t-il.
— Lequel, monsieur Bonnefoix ? dis-je, irritée.
— Faire court et simple. Mais à peine avait-il terminé qu’il voulait ajouter un mot. À la fin, monsieur, ai-je dit, il n’y aura rien d’écrit. Et j’ai arraché la lettre de ses mains.
— Quelle dureté !
Il haussa les épaules :
— Pourquoi écrire ? J’aurais pu me charger de vous transmettre directement son message. Il tient en trois mots. Il vous aime. Ajoutons qu’il vous attend aujourd’hui et demain, et jusqu’à la fin des temps. Et tout est dit.
— Jean-Baptiste ?
— Je vous prie.
— Est-ce toi qui parles ou François de Saint Val qui te demande de le faire ?
Il plongea les yeux vers le sol :
— Pour être franc, c’est un peu la somme de nos deux opinions. Il ne s’en sortait pas. Il avait peur de ne pas écrire les mots justes. Alors, nous avons décidé d’ajouter ce commentaire. Il vous aime. Au moins, c’est clair.
Je sautai au cou du plus merveilleux complice :
— Merci, Jean-Baptiste. Merci pour tout ce que tu es...
Il rougit et ses gros yeux se mirent à briller :
— Mais lisez donc au lieu de m’étouffer !
« Ma très chère aimée,
« Midi sonnait. J’étais devant l’hôtel de la marquise de Sévigné. Un carrosse s’y trouvait. Je vous ai fait demander. Jean-Baptiste est venu. À la mine que prenait cet ami fidèle, j’ai compris que le marquis de Penhoët m’avait devancé. J’avais rêvé que la porte s’ouvre sur vous. Je vous prenais la main et je vous embrassais... Ce baiser tendre durait. Mais Jean-Baptiste est convaincu que le marquis vous écoutera et je le crois sur parole. Vous retournerez à Versailles pour tenter de parler au roi.
« Comment vous aider ? Vous suis-je au moins utile ? Ai-je raison de penser que ma présence pouvait vous gêner ? Les questions se précipitent, et il n’y a que vous pour y répondre.
« J’attends donc. Je vous attends puisque c’est le rôle qu’il me faut tenir tant que vous ne déciderez pas pour moi. Jean-Baptiste sait où me trouver. Au premier signe, Beltavolo, fils banni du monde dans lequel vous entrez, accourra.
« À l’instant, je vous quitte et vous me manquez déjà. Les mots se bousculent sous ma plume. Aucun n’est assez fort pour dire combien je vous aime. Comment ai-je pu vivre sans vous jusqu’à ce jour ? Et comment supporter celui-ci sans vous ?
« Je vous aime, Hélène. J’attends votre réponse.
François de Saint Val. »
J’ai fermé les yeux. Toi aussi, tu me manquais, François...
Bonnefoix toussa et se rapprocha à pas lents :
— Ce ne sont que des mots. Moi qui l’ai vu, je vous assure qu’il vous aime.
— Tu n’as pas besoin de plaider sa cause. Je le sais.
— À la bonne heure, soupira-t-il comme s’il prenait ce compliment pour lui. La nouvelle nous fait plaisir.
Il soupira encore et ajouta en souriant :
— Ces histoires de cœur chastes et douces me rajeunissent. Je me souviens quand votre père fit...
Il dodelina de la tête. C’était lui le bêta. Il rouvrit la bouche pour mettre fin à son malaise :
— Tenir la plume,
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