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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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voyez-vous ?
    Étourdie, je me tournai d’un quart. Face aux fenêtres, dans une niche taillée dans le marbre, trônait la statue du roi en soldat.
    — De toutes les promesses qu’inspire ce salon, une seule est représentée et une seule est vraie. Le roi règne d’abord sur Vénus. Ce salon dit combien l’amour est le premier de ses sujets. Votre père a souvent comparé Versailles à une île enchantée. Vous en a-t-il déjà parlé ?
    J’acquiesçai en silence.
    — Vous pénétrez dans des lieux dont le roi détient la clef. Il est chez lui, et lui seul peut vous libérer. Êtes-vous toujours décidée à y rester ?
    — Plus que jamais ! glissai-je entre mes dents serrées.
    — Alors venez. Il vous faut connaître les autres passions du maître des lieux.
    Le mouvement nous obligea à demander le passage. Le marquis saluait à tour de bras les courtisans. Si les femmes s’avançaient le sourire aux lèvres, des hommes, mais pas tous, fort heureusement, ne manifestaient pas le même enthousiasme.
    — Feriez-vous des jaloux ? glissai-je après qu’il m’eut présenté un vicomte dont j’oubliai immédiatement le nom.
    — Ce n’est pas ce que vous croyez. Ils me craignent à cause du jeu.
    Nous pénétrâmes dans le Salon de Diane tout dédié à la chasse. L’effet trompe-l’œil m’y frappa moins fortement. En revanche, je fus éblouie par la marqueterie de marbres de couleurs de Campan et de Rance qui tranchait avec le marbre blanc dont étaient couverts les murs. Le sol était composé de carrés taillés dans les mêmes matériaux. Cet assaut de lignes et d’angles bruts donnait le vertige, et je crus un instant n’être qu’un pion posé sur un immense damier 1 .
    — Voici un salon où l’on joue. C’est une distraction où il y a un chasseur et une proie. Il s’agit de l’autre passion du roi. Mais ce sont les mêmes règles que l’amour.
    La pièce se voyait éclairée par quatre lustres majestueux qui mettaient en valeur la peinture du plafond consacrée à l’œuvre de Diane. Cette déesse pointait sa lance vers le bas, vers la foule des courtisans et selon l’angle où l’on se plaçait, on pouvait imaginer que son arme fixait le joueur attiré par un billard drapé d’un tapis de velours et qui, cerné par quatre chandeliers d’argent, occupait le centre du salon.
    — Le roi viendra peut-être. Le duc de Gramont, le comte d’Armagnac, le duc de Vendôme, le Grand Écuyer Louis de Lorraine l’affronteront, mais il est plus fort que tous. Voici Michel Chamillart, conseiller au Parlement. Ailleurs, il est invaincu. Ici, ce n’est pas son royaume.
    D’un coup de menton, il me montra un autre buste en marbre de Louis XIV.
    — Le roi ne vient que pour gagner.
    Pour suivre le jeu, des estrades étaient aménagées autour du billard. Quelques courtisans y bavardaient en buvant qui du café, qui une liqueur ou encore du vin. Deux joueurs s’avancèrent vers la table. Un frisson parcourut l’assemblée. « Cent louis pour commencer ! » cria l’un d’eux.
    — Venez, me dit le marquis de Penhoët. Cette partie n’a pas d’intérêt.
    En suivant l’enfilade des pièces, nous parvînmes dans le Salon de Mars.
    — Après l’Amour, la Chasse et le Jeu, voici donc la Guerre ? demandai-je.
    — Vous aurez encore droit au Salon de Mercure et à celui d’Apollon.
    — Faut-il croire que plus nous progressons, plus nous approchons de la beauté ?
    — Oui. Et surtout, de la chambre du roi.
    Dans le Salon de Mars, un orchestre interprétait un menuet au profit des danseurs. De part et d’autre d’une vaste cheminée, on trouvait à nouveau des buffets dressés. Au premier geste, les valets tendaient un verre de vin. Le marquis n’en prit pas. Il voulait du café.
    — Je sens, voyez-vous, les effets de ma nuit blanche.
    Il s’approcha d’une table où abondaient les fruits et les racines. Il prit à pleines mains une poignée d’asperges et s’en régala.
    — Le roi les adore. Il en demande toute l’année à ses jardiniers.
    — Par quel nouveau tour de magie peut-on en produire ainsi ?
    — Ce n’est qu’un secret et je le connais. Les asperges poussent dans des serres à l’abri du vent et leurs pieds sont entourés de fumier qui produit la chaleur en toute saison. Que ne peut le Soleil ? N’est-il pas l’égal du dieu de la Guerre dont on vous montre ici les pouvoirs ?
    Mars, mais aussi Hercule, César, ou Marc Antoine présidaient les fresques du plafond.

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