L'Insoumise du Roi-Soleil
Y régnaient la terreur, la crainte et l’épouvante. La soumission au maître, la victoire par-dessus tout. Et c’était Louis XIV, puissance parmi les puissants, dont la témérité et la sévérité s’accompagnaient de sagesse et de mansuétude, comme le dépeignait un grand tableau de Le Brun représentant les Reines de Perse aux pieds d’Alexandre ... Soumises à leur hôte royal.
— Ces héros ne sont que des combattants. Mars a trouvé son maître. Il se nomme Louis XIV. Cette visite vous le rend-il attirant, Hélène de Montbellay ?
— Devant tant de grandeur, on se sent vulnérable, fis-je sur un ton ironique. Il me semble que la question se pose à l’envers. Qui pourrait plaire à un si grand roi ?
Le marquis sourit :
— Vous apprenez vite. Cette suite de salons se comprend, en effet, comme un livre ouvert qui raconterait la vie du Roi-Soleil. Amour, chasse, jeu, guerre. Vous savez à présent qu’il est sans rival. Qui ne voudrait pas, dès lors, de sa protection ? Mais le Soleil n’accordera la chaleur de ses rayons qu’à ceux qu’il a élus. Êtes-vous à son goût ? Pour le savoir, il convient de vous comparer à ce qu’il aime, et, pour cela, continuer le voyage. Mercure sera donc notre guide.
Le roi aimait le beau. La preuve s’affichait sur les murs du Salon de Mercure où les œuvres des plus grands maîtres se succédaient.
— Voici Titien, s’exclama Louis de Mieszko, marquis de Penhoët. Là, Annibal Carrache. Derrière nous, Dominiquin 2 ! Cet été, nous aurions pu admirer Raphaël. Il y avait ici, au-dessus de la cheminée, le tableau de la Sainte Famille créé par ce génie. Mais il a pris ses quartiers d’hiver. Le roi aime changer de Beautés. Quand je joue dans ce Salon, je me tourne vers ce mur et j’imagine que le tableau s’y trouve. Et si je perds, je prie la Sainte Famille . Et parfois je gagne. Mais gardez ce mystère pour vous...
Des joueurs s’affairaient autour des tables de trictrac. Les dés étaient jetés. Ils roulaient. Les exclamations des joueurs attiraient les curieux qui se précipitaient pour voir vers qui se dirigeait le destin. D’autres réclamaient le silence. La partie de whist de la table d’à côté appelait en effet le calme. Les piques battirent les trèfles. Deux cents louis s’envolèrent. On coupa les cartes, la partie reprit, les cœurs se soulevèrent. On appela carreau. D’autres joueurs exerçaient leur adresse et leur chance au Trou-Madame. Quand l’un parvenait à envoyer une boule sous une arcade numérotée, le public applaudissait à tout rompre. « Le huit et je double ! » rugit un homme enivré par son succès. La foule se rapprocha de l’audacieux.
— Modestes joueurs, cingla le marquis. Quittons ce spectacle sans péril. Allons plutôt au Salon d’Apollon pour nous mesurer au dieu solaire.
Selon l’avis du marquis de Penhoët, le Salon d’Apollon était la pièce la plus riche des Grands Appartements du roi :
— Et le centre d’un univers dominé par Apollon, ce dieu de la Beauté.
Représenté au plafond en compagnie des quatre saisons, il conduisait un char. Il dirigeait donc le temps. Dans ce même tableau, soutenu par des statuettes en or de femmes au torse nu, Apollon se montrait dévêtu. D’autres femmes, indolentes, se délassaient à ses pieds. Mais elles lui tournaient le dos, leurs yeux fixant celui qui entrerait dans ce salon. Et ce serait le Soleil, l’astre qui éclairait les quatre continents du monde représentés dans les angles du plafond.
— La boucle se referme, fit le marquis. L’Astre a fait le tour et tout revient à lui . Vous souvenez-vous que dans l’Escalier des Ambassadeurs, alors que vous entriez, il y avait les habitants du monde ? Eh bien ! Vous revoilà au centre de l’Univers.
Il me montra une porte gardée située à l’opposé de celle qui ouvrait sur le Salon d’Apollon.
— Le Cabinet de Jupiter est derrière. Le roi y prépare sa future renommée avec ses conseillers militaires. Pour le repos du guerrier, il suffit de pousser la porte de la Chambre de Saturne.
— S’agit-il de la planète ?
— Oui, c’est aussi le sens de Mars ou de Jupiter qui tournent autour du Soleil. Mais, tout comme Diane ou Apollon, je crois plus à sa signification antique. Saturne fut chassé du ciel pour ne pas faire d’ombre à Jupiter. Alors, il rejoignit le Latium et y fit régner l’âge d’or. Ainsi, ceux qui pénètrent dans cette chambre sont appelés à le
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