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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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connaître. Et vous, que choisirez-vous ? Le Salon de Vénus pour ses friandises ? Le Salon de Mars pour la danse ou les Salons de Mercure et d’Apollon pour les jeux et la musique, sachant que le roi y vient souvent puisqu’il aime danser, et que c’est un art où il excelle ?
    J’allai pour répondre. Je ne pus.
    — Le roi ! hurla le grand chambellan, un officier de la Couronne qui se tenait à l’entrée du Salon d’Apollon.
    L’assemblée se raidit. L’orchestre se tut. Un silence de plomb s’installa. Il était huit heures.

    Le roi se présentait entouré de ses proches. Il y avait Louis, dit le Grand Dauphin que l’on appelait Monseigneur, et son épouse, Marie-Anne-Christine-Victoire de Bavière. Il y avait aussi le Premier gentilhomme de la Chambre en année dont le rôle consistait à ouvrir, chaque matin, à huit heures quinze, le rideau du lit de Louis XIV. Non loin, campaient le duc de Gesvres, futur gouverneur de Paris et le capitaine des gardes du corps. Je ne connaissais personne, mais le marquis de Penhoët jouait les souffleurs :
    — Ce garçon à l’air si fragile. Oui ! Il n’a que douze ans. C’est le duc de Maine. À côté de lui, mademoiselle de Nantes. Les deux tout-petits, mademoiselle de Blois et le comte de Toulouse. Ce sont les enfants de madame de Montespan.
    La marquise marchait deux pas derrière le roi. Elle arborait une robe mordorée qui jouait avec les reflets des bougeoirs. Les manches se terminaient en soie fine et s’arrêtaient au coude, si bien qu’on lui voyait les avant-bras. Et chacun d’admirer sa peau claire, ses attaches délicates et même sa gorge pudiquement recouverte d’une soie aussi légère. Elle ne portait aucun bijou et tranchait par la simplicité de sa tenue avec les autres femmes. Comment expliquer ses cheveux sagement tirés en arrière ? Tout le mystère, tout le charme tenaient en cette mèche faussement rebelle descendant sur son front et lui donnant un air de jeunesse qui, sans cet artifice, semblait lui avoir échappé. Je n’étais pas assez près d’elle pour voir plus de détails. Ses yeux me semblèrent de couleur claire. Elle se tenait droite et souriait généreusement, jetant des regards amicaux à l’assemblée. Elle dressait le cou. Elle se voulait encore la favorite.
    À ses côtés demeurait une autre femme toute différente qui tenait par la main le petit duc de Maine. Je lançai un appel muet au marquis.
    — Maintenon, souffla-t-il.
    Je compris sur-le-champ ce qui les opposait.
    Autant la favorite semblait légère et assortie à la cour, autant Maintenon s’avançait, retenue et solitaire. Ce qui passait pour de la prudence ou de la timidité tenait à peu de chose. À sa tenue, en premier, à la fois sobre et sombre. Sa robe jouait dans les mêmes tons que celle de Montespan, mais sans user de la soie. Ses cheveux étaient tout également tirés en arrière, mais son front s’encadrait dans une sorte de châle brodé. Il y avait aussi ces manières de se pincer les lèvres, de ne pas sourire, de s’afficher droite et raide, de ne pas chercher à séduire l’assemblée.
    Il y avait surtout cette façon de regarder le roi.
    Montespan le couvait, quand Maintenon l’observait. Si cette dernière lâchait la main du duc de Maine, c’était pour porter la sienne sur sa poitrine, pose calculée l’autorisant à lever son regard qu’à l’instant elle gardait tourné vers le bas. Alors, ses yeux se mettaient en action. Si le roi écoutait, elle ne fixait que lui. Si le roi s’exprimait, elle surveillait l’Assemblée.
    Montespan agissait à l’inverse. Quand le roi parlait, elle ne quittait pas son visage et buvait ses paroles. Elle les captait sur le bord de ses lèvres et cela me semblait la preuve sincère d’une femme amoureuse et sensuelle. Mais en se fiant à ses sens, en se laissant porter par la spontanéité et le naturel, elle perdait l’occasion de juger l’assistance. Un courtisan avait-il souri en écoutant le roi ? La Maintenon le notait. Un autre tournait-il la tête et se désintéressait ? Son espionnage fonctionnait autant. De même, la Montespan ne surveillait pas le roi quand celui-ci écoutait un courtisan. Et sa nature généreuse lui jouait un nouveau tour, car il était sans doute plus important d’apprécier les réactions du souverain que les bavardages du narrateur. Au final, seul le jugement de Louis comptait et il se devinait à un détail. Maintenon l’avait compris. Il

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