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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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ou Moftard... Ma mémoire hésite.
    — Auriez-vous déjà effacé de votre esprit cette odeur de cuir qui vient des tanneries et des teinturiers ! Ils puisent l’eau de la Bièvre qui coule ici. Et quelle moufette, en effet, grommela Jean-Baptiste en se pinçant le nez.
    — Oui, c’est cela. Il s’agit de la rue Mofette 2 .
    — Ce nom s’explique sans doute par les dépôts de gadoue. Si bien qu’en surveillant nos pieds, nous avons tangué et navigué.
    — Des Trois Torches aux Trois Saucières...
    — Puis des Trois Poissons aux Trois Haches...
    — Pour aller des Trois Pigeons aux Trois Déesses...
    — Et que de belles ripailles !
    — Cervelas, andouilles, saucisses...
    — Et de là-bas à ici, la bière n’a pas manqué.
    — Une chose est vraie : ce monsieur François sait recevoir, affirma Sébastien.
    — À cette heure, il se ronge en attendant demain midi. Car il sera là, devant le porche, le cœur battant, mademoiselle Hélène, murmura Bonnefoix d’une voix mouillée. Ah ! qu’il vous aime...
    — Pour l’heure, il vous écrit des poèmes.
    — Attablé au Renard-Bardé.
    — Ou au Castor Blanc ?
    — À moins qu’il s’agisse du Chat qui dort ?
    — La mémoire me fait encore défaut. Mais c’est au moins quelque part où il rêve de vous, à haute voix.
    — Et voilà tout le détail de notre soirée, conclut goguenard Jean-Baptiste.
    Puis il cligna des yeux plusieurs fois, semblant seulement comprendre qui l’interrogeait.
    — Et quoi de nouveau pour vous ? bredouilla-t-il en bâillant.
    Avait-il encore en tête d’où j’arrivais ? Des jours et des jours à l’écouter se plaindre, à supporter ses reproches, ses leçons de morale, ses mises en garde faussement savantes, mais assénées sur un air supérieur, et voilà qu’au moment où nous y étions, le récit de ses ripailles comptait seul. S’était-il inquiété pour moi ? Ah ! ça. Le cuistre m’agaçait trop. Un seau d’eau, peut-être pour lui secouer les puces. Non, un silence méprisant, l’œil sévère, les mains posées sur les hanches, et le pied battant la mesure sur le carreau. Et là, Bonnefoix, tout te revient ?
    Il regarda ma robe, secoua la tête. Il se tourna alors vers Sébastien, l’appelait à l’aide.
    — Versailles ! Vous étiez à Versailles, exulta ce dernier.
    La nouvelle frappa Jean-Baptiste au visage. Il se cala sur les jambes :
    — Mon Dieu ! La belle soirée s’achève... Qu’avez-vous à m’apprendre ?
    — Je n’ai pas bu, moi !
    — Tant mieux, souffla-t-il en hochant lourdement la tête. Et sinon ?
    — La cour ne me plaît pas, m’énervai-je.
    — Voilà qui réjouira votre poète. Et qui me plaît autant, ajouta-t-il en se grattant les cheveux.
    Il cherchait déjà un siège, prêt à rejoindre Bacchus. Eh quoi, pas un mot de plus ? Rien pour se rassurer ? Cette fois, j’allais le réveiller.
    — Et si j’excepte un petit éclat de voix...
    Il se raidit d’un coup. Son teint perdit la douce couleur que procure le vin.
    — Ah ! c’était trop beau pour durer, gémit-il. Mais un éclat comment ?
    Il ouvrit, un peu, l’index et le pouce.
    — Plus grand ! lançai-je férocement.
    Il écarta les bras. Dieu ! qu’il était drôle, la tignasse en bataille, la chemise fripée et hors du pantalon, le ventre rond pointé en avant et les bras bien tendus pour rattraper le tangage des jambes. Je ne pus m’empêcher de sourire :
    — Rassure-toi, Jean-Baptiste. Plus petit !
    — Et votre victime est ? demanda-t-il en fermant les yeux.
    — Le père de François de Saint Val.
    Les syllabes entrèrent lentement dans sa tête, et celle-ci finit par retrouver la clarté.
    — Le père de... Le chevalier de... bafouilla-t-il.
    — J’ai vengé un fils dont le père est un monstre.
    — Voilà un incident qui ne peut pas nous faire de mal, tenta-t-il de se convaincre. Du moins, vous le pensez, n’est-ce pas ? supplia-t-il.
    — Il m’a obligée à me montrer à la cour et ce n’était pas utile.
    — Doux Jésus, mais si vous n’y retournez pas, c’est seulement un petit tracas, fit-il soulagé.
    — Oui, mais il se trouve que je m’y rends bientôt.
    — Dites-moi que je dors ! Non, réveillez-moi pour que cesse ce cauchemar...
    — Je verrai le roi avant trois jours.
    Il ouvrit la bouche et ne la referma pas.
    — Ou peut-être deux, ajoutai-je.
    Sur le coup, Bonnefoix recouvra un peu d’esprit. Pourtant, il fallut qu’il s’asseye tant ces nouvelles lui pesaient. Sa

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