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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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souvint que j’avais applaudi à son passage. Il énuméra chaque nom. Il n’avait pas oublié ceux qui saluaient ce roi jeune, marqué terriblement par la Fronde. « Désormais, me dit-il, il est assez commun de s’incliner devant le Roi-Soleil, et plus je vois les flatteurs, moins je les apprécie. C’est à cela que me sert la mémoire. Vous n’aurez donc pas besoin de me rappeler qu’il me serait agréable de vous avoir à mes côtés. » Quelques jours plus tard, on m’informait que le roi m’accordait un appartement à Versailles.
    — Voilà donc le secret que rêve de connaître madame de Sévigné.
    — Ne vous empressez pas de lui en faire part. Je vous livre ces détails pour que vous compreniez un peu de Louis XIV. Les peurs de son enfance ne l’ont jamais quitté. Il vit avec le souvenir de la Fronde et son système de cour repose tout entier sur l’idée qu’il lui faut contrôler la noblesse. L’étiquette domestique les esprits révoltés dont il redoute les excès pour en avoir trop souffert. Il ne supporte aucune opposition. C’est un roi absolu non par goût, mais par prudence.
    — Dites-vous cela pour le jour où je me présenterai à lui ?
    — Le simple fait que vous avanciez en sa direction sera vécu comme une atteinte à l’étiquette. Trouvez-vous cela ridicule ou précieux ? C’est que vous n’en avez pas compris le sens. Le roi ne se place pas qu’au-dessus des autres, la distance qu’il impose constitue une protection.
    — Aurait-il peur ?
    — Malgré les apparences, grimaça-t-il, je finis par croire qu’il vit dans une sorte d’inquiétude permanente. Et plus il craint, plus il s’arme d’absolutisme.
    Il marqua un temps :
    — Votre projet n’est-il pas de lui parler ?
    — Il le faudra bien !
    — Peut-être, mais l’étiquette veut que le roi vous y autorise. En vous exprimant sans détours, vous ne respecteriez pas l’ordre établi. Dès lors, vous représenteriez une menace. Méditez sur cela car nous aurons l’occasion d’en discuter. Il vous faudra ne pas rater cette scène. Pour cela, reposez-vous, ma chère Hélène.

    Avant minuit, je franchis le porche de l’hôtel Carnavalet. La marquise s’était retirée, pensant que je rentrerais tard, après le bal. Jean-Baptiste, fidèle au poste, me l’expliqua d’une voix lourde.
    Quand il cherchait ses mots, Sébastien se portait à son secours. Et l’un et l’autre acquiesçaient, effectuant de la tête de lents mouvements de bas en haut, empreints de dignité. En les étudiant de près, je réalisai qu’il s’agissait plutôt d’une sorte de raideur, de celle dont on s’accommode quand la cervelle ne commande plus le corps.
    — Ah ! poussa faiblement Jean-Baptiste en cherchant appui sur l’épaule de Sébastien qui, de fait, en trébucha. Nous nous faisions du mauvais sang.
    — Sans doute parce que le vin vous tient compagnie. Mais as-tu des nouvelles pour moi ? demandai-je.
    Il chercha et ce fut long.
    — Rien, me semble-t-il.
    — N’as-tu pas vu monsieur de Saint Val ?
    Il plongea du nez :
    — Ah oui ! Allons ? Que m’a-t-il dit ? La maladie de Sébastien est une sorte de peste qui touche ceux qui l’approchent. La mémoire me manque et voilà qui devient fâcheux...
    — Monsieur Bonnefoix, faites-vous cela pour me rendre folle ?
    Il jeta un œil vers Sébastien et tous deux partirent dans un éclat de rire.
    — Pardonnez-moi, bafouilla-t-il enfin. Nous avions pris le pari que vous poseriez cette question alors que la porte ne serait pas fermée. Mais ce monsieur Saint Val, transi d’amour pour vous, s’était mis en tête qu’une seule soirée à Versailles suffirait pour que vous l’ayez oublié. Aussi, et puisqu’il a perdu, nous doit-il un autre pichet de vin !
    — Lui as-tu, au moins, passé mon message ?
    — Patiente encore... Oui, et j’ai appuyé sur le tutoiement.
    — Comment a-t-il pris la chose ?
    — En soupirant. Il faisait si peine à voir que nous nous sommes attardés. Sa chambrée est bien tenue, mais quelle rue ! Et quel quartier ! Il y réside plus de monde qu’à Saumur.
    — C’est à cause du marché des Patriarches, la viande y est réputée, avança doctement son vieux complice.
    — Vous oubliez les cabarets, reprit Bonnefoix. Un dans chaque maison !
    — Je me souviens qu’à cause de ses tentations, la traversée de la rue Mouflard fut un peu longue...
    — N’est-ce pas plutôt la rue Mont-Cétard, mon cher Sébastien ?
    — Ou Mouffetard

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