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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Louis le Quatorzième. Ma respiration devint courte. Je haletais.
    — Je vous l’ai dit, reprit-il d’une voix saccadée. La mode est de croire aux fantômes. Il y a peu, on m’a assuré avoir vu Henriette d’Angleterre sortir de sa chambre.
    — On m’a parlé de ce phénomène... Mais peut-on croire à cela ? ajoutai-je pour moi, cherchant à me rassurer.
    — Cet engouement relève du vice et a envahi Versailles. Les conditions dans lesquelles est décédé Villorgieux ont suffi pour que certains imaginent qu’il s’agissait de l’œuvre du fantôme apparu la veille. N’a-t-il pas annoncé la mort et le sang tant qu’il ne serait pas exaucé ?
    Les mots s’échappaient dans l’écho, portés par la buée que nos bouches expiraient, ajoutant au mystère et à l’envoûtement de cette grotte habitée par un orgue prodigieux dont le mécanisme s’activait grâce à l’eau. Il devait être si bon et si doux de se rendre à Thétis. Mais ce n’était pas le jour.
    — Pensez-vous, vous aussi, à un spectre ?
    Le marquis retrouva son calme. Son regard gris-bleu s’éclaira :
    — Je crois peu à la chance. Encore moins à un fantôme.
    — Je partage cet avis, fis-je soulagée et comme libérée d’un poids qui m’entraînait vers les abysses.
    — Nous ne sommes guère nombreux dans ce cas, reprit-il d’un air découragé. Il en existe à la cour pour se complaire dans ces superstitions. Pourtant il est simple de comprendre que si quelqu’un rêvait de tuer Arnaud de Villorgieux, ce fantôme lui en offrait l’occasion. C’est le mercenaire parfait ! On peut l’accuser de tous les maux, et lui coller un meurtre sur le dos, puisqu’il n’en a pas. Veut-on l’embastiller que l’idée s’évanouit puisqu’il n’a ni présent ni avenir et n’habite nulle part.
    Il secoua la tête d’un air navré :
    — Je connais des jeux dont la résolution est plus délicate. N’en déplaise à cette cour qui meuble son oisiveté avec l’au-delà, il n’y a pas d’énigme. On s’est servi de cette apparition, et de la crédulité de quelques courtisans pour organiser un crime. Souvenez-vous de la comtesse de Soissons. Un enfant prédit la mort de son mari et ce dernier décède. Qui accuser ? Le sort, voyons ! L’oracle ! Le diable ! Sûrement pas l’empoisonneur qui trouva dans un verre d’eau brouillée une cause idéale. Alors, on utilise ici les mêmes procédés. Le fantôme de Versailles n’est pas responsable de la mort de Villorgieux, car il n’existe pas. Et il n’est nul besoin d’être devin pour déduire que, derrière lui, se cachent une habile machination et un criminel. Ce coup était prémédité, j’en suis certain.
    — Croyez-vous que la vicomtesse de Lancquet ait pu recourir à ce prétexte pour faire occire Villorgieux ?
    — Elle ou un des participants ? J’en doute. Elle est sotte et tous avec. Ils se montrent trop. Ils sont aux premiers rangs, ce sont eux que l’on accusera, mais je les crois plus victimes de leur émerveillement pour ces étrangetés qui font recette à Versailles. À huit heures ce matin, j’y avais assez réfléchi pour acquitter les acteurs de ce jeu stupide et funeste. Leur crime ? La niaiserie... Hélas, s’il fallait pendre tous les courtisans atteints par cette fascination pour l’au-delà, le roi serait bientôt seul.
    — Qui aurait pu profiter de leur crédulité ?
    Il haussa les épaules :
    — On aurait intérêt à se tourner vers ceux qui étaient au courant de la séance grotesque. Mais combien furent mis dans la confidence ? L’un parle, l’autre écoute, puis il parle à son tour... Il y a tant de bavards. Alors, trouvera-t-on ? Pour ceux qui croient aux spectres, le sujet est déjà clos. Peut-on arrêter le diable, gémiront-ils ? C’est un dossier pour les tribunaux qui brûlent les sorcières. Et un crime qui restera sans doute inexpliqué.
    — La solution réside souvent dans la question : à qui profite la farce ? À qui sert le crime ? En répondant, on trouvera son ou ses auteurs.
    — Vous réagissez promptement.
    — C’est plutôt que les fantômes me sont familiers. Hier, j’en ai vu un et il s’est montré en pleine lumière...
    — Un fantôme ? Hélène, enfin quoi !
    — C’était un comédien, ajoutai-je aussitôt, et plus vrai que nature. Le spectacle s’inspirait des aventures de la vicomtesse de Lancquet et il s’agissait de se moquer. À la fin, on demanda à la salle ce qu’elle en pensait. Et il

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