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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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certains ?
    Et j’ai baissé les yeux, entrant dans le jeu du courtisan, mentant dans l’espoir d’obtenir ma faveur, piétinant les chères valeurs qu’on m’avait enseignées et acceptant par avance tous les choix du Roi-Soleil. Oh ! père, combien me sembla élevé le prix du pardon.
    — Non, sire, rien d’autre, dis-je soumise et comme domestiquée.
    Oh ! mon père, combien vous aviez raison. On n’échappait pas à Versailles et je compris trop tard ce que vous entendiez par les périls qui m’y menaçaient. Dans cette île enchantée, un seul détenait les clefs et décidait de tout. En aucun cas, je ne pouvais en sortir sans dommage. Vous m’en aviez parlé tel un château de cartes , et c’était la vérité. Le carreau correspond aux honneurs et au faste, le cœur aux sentiments, le pique à la mort. J’avais déjà croisé ces trois-là. Seul le trèfle apporte l’espoir. À l’instant où tu les découvriras, il sera trop tard pour changer ton destin. Le roi de tous les rois tenait cette carte en main et pour qu’il caresse ma fortune, j’étais prête à tous les abandons, à toutes les démissions. Les larmes ou le bonheur, la joie ou la tristesse ? Sa Majesté, torse nu, déciderait selon son bon vouloir. À quoi avait servi la mort du marquis de Penhoët ? Les larmes montèrent et je dus mordre mes lèvres pour retenir mon émotion. Le roi continuait de me regarder. Il voulait être certain que je capitulais, emportant dans ce désastre le nom des Montbellay.
    — Monsieur de La Reynie, qu’avez-vous à nous dire ?
    — Hélène de Montbellay a fait preuve de courage et d’une énergie remarquable. Son rôle fut important dans le dénouement de cette affaire. Il semble que l’on puisse compter sur sa fidélité, et que cette vertu est attachée également à son nom.
    Un chien fidèle ? Non ! un chien asservi et enchaîné. Et il parlait de nous.
    — Je ne suis informé d’aucun manquement au bannissement du comte de Saint Albert, continua-t-il. Voici autant de preuves de l’obéissance que vous attendiez.
    Si je doutais du piège dans lequel on m’entraînait, le roi y mit aussitôt fin :
    — Bien ! cingla-t-il. Ici et là, on nous dit que vous êtes désormais soumise. J’en espère autant du comte de Saint Albert. À cette condition, je respecte mon serment.
    — Car vous les respectez tous, ajoutai-je malgré moi en serrant les dents.
    Le roi me fixa. Comment fallait-il prendre ces mots imprudents ?
    — Vous l’avez dit, sire, ajoutai-je sans reprendre mon souffle, vous respectez tous vos serments. Je colporterai donc cette nouvelle qui prouve que le meilleur des rois juge en son âme et conscience. Et non pas en écoutant ceux qui courtisent son esprit.
    Il y eut un flottement. La Reynie fit bouger ses épaules. Était-ce un affront ?
    — À qui songez-vous ? jeta Louis le Quatorzième d’une voix glaciale.
    Je me souviens encore de cette hésitation. Les mots étaient sur mes lèvres et ne demandaient qu’à jaillir. Combien de temps restai-je ainsi, allant du roi à La Reynie, tous attendant que je réponde ? Et je le fis enfin :
    — Je pense à ceux que Votre Majesté n’écoute pas quand ils trahissent la vérité. Je le sais et m’en retourne, apaisée et confiante, car j’ai vu et entendu un roi juste, allant au-dessus et décidant sans influence de rendre son honneur à Pierre de Montbellay quand tant d’autres doutaient de son honnêteté. Et ce qui est vrai pour nous, le sera aussi pour notre royaume...
    — C’est l’heure, murmura Bontemps au moment où il le fallait, car le roi s’interrogeait sur le sens caché de ce qui resterait comme un compliment.
    — J’établirai la lettre de cachet soulageant le comte de Saint Albert de son exil, conclut rapidement La Reynie, en s’inclinant. Bonne journée, sire.
    Le lieutenant de police me traîna vers la sortie alors que je saluais sans quitter le roi des yeux, comme un ultime, un dernier sursaut de bravade bien dérisoire. Se méfier des mots, sans doute. Mais les apprécier, Dieu que c’était bon !
    Cette dernière provocation, je l’avais jouée pour moi, pour mon père et pour le marquis de Penhoët. Et j’étais convaincue que, de là où il se trouvait, ses yeux gris-bleu m’envoyaient un sourire.
    Un bon mot, n’était-ce pas comme une bonne carte ?

    Sur le chemin qui nous ramenait à Paris, La Reynie répéta mille fois qu’on ne jouait pas sa vie sur un mot. C’était son opinion.

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