Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
Chacun la sienne.
    En creusant, je compris ce qui nous distinguait. Le lieutenant de police rêvait peu et il avait perdu ses illusions. Il affirmait avoir fait le tour de la nature humaine qu’il jugeait dangereuse et infidèle. En somme, vouée à l’échec. Sa religion ? Ce n’était pas celle du jansénisme, du calvinisme ou du mahométisme.
    — Non, si je crois, c’est en l’État, m’avoua ce magistrat alors que nous venions de quitter Versailles. Et l’État, c’est le roi. Donc, je sers Louis XIV.
    Il lui fallait, disait-il en forçant sa modestie, une cause simple à comprendre et ne demandant pas d’efforts particuliers au moment de se coucher. Sa prière ? Une nuit sans que l’on sonne chez lui pour lui annoncer un nouveau drame.
    — Ou une nouvelle affaire, lâcha-t-il en souriant franchement.
    Nous n’étions que tous les deux dans le carrosse. La Reynie s’était organisé de telle sorte que madame de Sévigné voyage séparément. Son attelage nous suivait et la marquise n’y avait fait aucune opposition. Épuisée et bouleversée par la mort du marquis de Penhoët, elle se laissait guider. Nous avions très peu parlé. Elle ne songeait qu’à quitter Versailles dans l’espoir d’oublier le drame. Et c’est à peine si elle m’avait demandé ce que j’avais fait cette nuit. Plus tard, gémissait-elle, quand nous serons rentrées... Et tout cela pour une lettre, devait-elle s’imaginer.
    À l’inverse, Nicolas de La Reynie se montrait chaleureux et même disert. Pour lui, tout était terminé, et seul le résultat comptait. Le décès du marquis de Penhoët se comparait peut-être à ces pertes humaines liées à toute victoire. Et les deux étaient, en quelque sorte, indissociables. Cet homme défendait l’État, un corps qui n’avait ni âme ni apparence et par ce fait aucun défaut.
    Montrant une amabilité peu coutumière, il avait insisté pour me raccompagner à Paris où, de toute manière, il fallait qu’il aille. Mais c’est aussi qu’il avait autre chose à me dire. Nous avions quitté Versailles après un adieu à la dépouille du marquis et pendant que je priais pour son repos, La Reynie, que ces choses religieuses, comme s’agenouiller, ne séduisaient qu’à moitié, s’était absenté pour, affirmait-il, battre le fer tant qu’il était chaud. Il était revenu, toussotant dans mon dos muni d’une lettre signée par le roi. Pierre de Montbellay, comte de Saint Albert, recouvrait ses droits et ses devoirs de se présenter au roi. La formule ressemblait à une injonction et c’était tout l’esprit de ce que j’avais obtenu. Quatre lignes contre ma soumission.
    — Allons ! bougonna La Reynie. Un si beau résultat ! Cessez de vous flageller.
    Le chagrin, sans doute, m’avait forcé à lui dire des mots injustes :
    — Vous ne pouvez pas comprendre. La soumission ! C’est votre religion.
    Il m’avait regardée tristement. Je lui avais fait mal et je le regrettais.
    — Nous en parlerons au retour. Et vous apprécierez ensuite.
    Ces mots énigmatiques furent les derniers qu’il prononça jusqu’à monter dans le carrosse. Il attendit d’être sorti des faubourgs de Versailles et de s’éloigner encore comme s’il redoutait qu’une oreille indiscrète puisse l’entendre. Et quand nous fûmes en pleine forêt, il se tourna vers moi :
    — La soumission ! Et si je vous prouvais que c’est tout le contraire ?
    Il bougea les épaules et me regarda encore avant de se décider à parler :
    — Les apparences sont parfois trompeuses. Je ne suis pas soumis, mais fidèle.
    — Cela revient au même ! Vous servez le roi.
    — Oui, madame, fit-il en bougeant le nez. Je suis dévoué au roi puisqu’il est l’État. Je vous l’ai dit tout à l’heure, hélas, vous ne m’avez pas entendu. Je crois en l’État qui est incarné par le roi. Et tant qu’il servira l’État, je lui serai attaché. Ma soumission, comme vous dites, ne va pas plus loin.
    — Cela veut-il dire que vous seriez prêt à le trahir ?
    Il remua encore, signe de son malaise :
    — Pendant la Fronde, j’ai fait preuve d’une loyauté sans faille au roi. Lors de l’Affaire des Poisons, j’ai agi sans hésitation tant que la solidité du trône n’était pas menacée. J’ai avancé, révélant les actions criminelles des gens de condition. Quand je sus qu’il me faudrait mettre en cause l’entourage du roi, j’ai cessé mon action. Et je vous explique pourquoi j’ai changé

Weitere Kostenlose Bücher