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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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de battre la mesure du menuet et si je baisse les bras sans l’intention de vous frapper ?
    Faillard resta un long moment bouche bée.
    — Rapide et imprévue, finit-il par murmurer d’une voix sombre. Tout cela me plaît ! Sortez de l’arène, à présent.

    Il me sembla que Faillard me regardait d’une façon nouvelle. Pour autant, je ne fis rien pour relâcher mon attention. Si je voulais qu’il m’apprenne, je refusais qu’il me dresse.
    — Tenez, c’est pour vous.
    Il me tendit son épée. Je restai sur mes gardes, à deux pas de lui.
    — Tournez-la de telle sorte que la pointe vous regarde, maître Faillard.
    Il ne dit rien, mais sourit, semblant satisfait. Il entreprit la manœuvre sans plus attendre et je saisis la poignée sans détacher l’arme de son thorax.
    — Vous apprenez vite, souffla-t-il.
    — Cela a toujours été ainsi.
    — Votre arrogance ne m’empêchera pas de vous dire que les armes se vivent plus qu’elles ne s’apprennent. Je parle de ce que je sais !
    — Et je ne souhaite pas connaître votre expérience.
    — Il vous faudrait sans doute plusieurs vies ! railla-t-il.
    — Je n’en ai qu’une.
    — Si belle et si fragile...
    — Alors, aidez-moi à la sauver.
    Le compliment lui plut.
    — Voilà une excellente remarque. Une arme est d’abord faite pour se défendre. On l’oublie souvent. Cela vient sans doute du fait qu’un exploit ne se conçoit pas sans que coule le sang. Ne trouvez-vous pas étrange que l’arme, compagne du héros, soit du féminin ? Depuis la Chanson de Roland 5 , l’arme fait partie de l’épopée et elle ne sert qu’à tuer. Il faut frapper fort, le sang coule, les crânes sont fracassés. Trop de morts...
    Son regard s’envola vers le plafond. Sa voix retentit dans l’immense salle des armes :
    — O veit Tierris, que el vis est ferut. Thierry voit qu’il est blessé au visage. Li sancs tuz clers en chiet el pred herbus. Son sang tombe clair dans l’herbe du pré. Il frappe Pinabel sur son heaume d’acier brun, le brise et le fend jusqu’au nasal. Il fait couler du crâne la cervelle. Il secoue sa lame dans la plaie, l’abat mort. Par ce coup, sa bataille est gagnée. Escrient Franc : « Deus I ad fait vertut. » Les Francs s’écrient : « Dieu y a fait miracle ! »
    Ses yeux revinrent vers moi :
    — C’est la fin du récit du combat entre Thierry et Pinabel dans la Chanson de Roland . Cette tuerie a marqué les esprits pour des siècles et des siècles. L’art des armes ? J’ai longtemps cru qu’il consistait à faire couler le sang de son ennemi. Je vous enseignerai le moyen de ne pas perdre le vôtre. Ce sera tout. Ôtez cette épée de mon poitrail. C’est un ordre !
    Sa voix était redevenue celle du maître d’armes.
    — Puisque vous m’avez pris cette épée, c’est désormais la vôtre. Mais il lui faut un nom. L’appellerez-vous « Flamberge » comme le fit Renaud de Montauban, ce héros de chansons de geste ? Oserez-vous « Joyeuse », l’épée légendaire de Charlemagne et le symbole du sacre ? À moins de retenir « Durandal », en hommage à Roland, vainqueur du Maure Helmont ? Et pourquoi pas « Excalibur », l’épée du roi Arthur !
    Faillard me provoquait encore. Je réfléchis avant de répondre. Je caressai la lame, la détaillai et peu à peu, j’en pris possession :
    — « Damoclès ».
    — Pardon ?
    — Je la surnommerai « Damoclès ».
    — Voilà une décision étonnante. Et comment l’expliqueriez-vous ?
    — En souvenir de cette épée accrochée à un crin de cheval et suspendue au-dessus de la tête de Damoclès. Elle me rappellera que je devrais toujours me méfier de moi. Elle me dira encore qu’elle peut écarter les dangers, mais n’empêchera pas qu’ils s’abattent sur mes épaules.
    Faillard prit la pose.
    — C’est un choix intéressant. Pour aujourd’hui, c’est fini.
    Il tourna les bottes sans me saluer davantage.

    Au cours des deux jours suivants, nous abordâmes les exercices. Dès l’aube, nous nous rendions dans la salle d’armes que maître Faillard comparait au jardin du Grec Akdêmos 6 . Il allumait les cierges. Il replaçait les boucliers. Il me faisait entrer dans le cercle étincelant. Il tirait l’épée du fourreau. La leçon commençait.
    — Suivez le mouvement de cette esquive. Répétez après moi. C’est bien. Tenez sur vos jambes. Mieux que cela ! Vous n’avez pas la force et manquez d’expérience. Ne craignez pas les traîneurs de sabre et

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