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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Grâce à elle, une simple femme comme moi pourrait sans doute percer votre cuir. Ici, exactement !
    Je fis un pas en avant, suivi d’une attaque simple. La pointe de la lame marqua la veste de Faillard. Surpris par l’assaut, il recula.
    — Serait-ce une fuite ? demandai-je en lui souriant.
    Sa main gantée saisit la lame et me l’arracha d’un coup sec.
    — Hardie et téméraire... Petite femme, méfiez-vous !
    — Ne suis-je pas avec vous pour que s’épanouissent les qualités d’une amazone ?
    Il bomba le torse, se cala sur ses deux jambes raides :
    — Tout cela me plaît ! Entrez dans l’arène, à présent.

    Le cercle dont je parlais ne dépassait pas vingt pieds à son diamètre. Devant, sur les côtés et derrière moi, les boucliers renvoyaient nos reflets. Par cet effet propre aux miroirs, nos corps se réfléchissaient par centaines et il suffisait de faire deux pas en arrière pour entrer dans cette armée fantomatique qui donnait le tournis. Faillard s’installa au centre du cercle et m’invita à lui faire face.
    — Toutes ces images mouvantes sont vos ennemis. Je dis bien les vôtres, car la première personne dont vous devrez vous méfier, c’est vous. Tournez, maintenant... Encore. Levez les bras... Par Dieu, quelle silhouette ! Vous avez bien changé depuis que vous couriez, petite fille, derrière les bottes de votre père. Parfait ! À présent, dansez.
    — Plaît-il ?
    Aussitôt, Faillard sortit du cercle en me tenant par la main. Il semblait furieux :
    — Nous mettrons les choses au point une fois, mais pas deux. J’ordonne, vous agissez. Est-ce compris ? Parfait. Dans ce cas, retournons dans l’arène où les esprits de nos aïeux nous observent. Morituri te salutant 3 ... Mais avant, vous danserez !
    Sa demande se justifiait ainsi : l’art de l’épée empruntait, selon lui, beaucoup à l’équilibre que réclame la danse. Il m’en parla pendant que j’essayais d’exécuter un menuet.
    — Ne soyez pas si gauche, mademoiselle ! Gardez la cadence !
    — Je voudrais vous y voir. Je n’ai ni cavalier ni violons pour me guider.
    — Que dites-vous ?
    — Rien ! Je compte. Un, deux, trois...
    — Arrêtez-vous ! Non ! Il faut garder la pose. À trois, vous cessez de bouger et je veux que vous vous fixiez comme la statue de Warin représentant le Roi-Soleil 4 .
    — Un, deux, expirai-je...
    — Trois ! Ne bronchez plus. Ah ! quelle grâce.
    Il s’avança dans le cercle et commença son examen de la tête aux pieds :
    — L’art de l’épée consiste à trouver son équilibre dans le mouvement. La danse est ainsi. Vous avancez grâce à une succession de déséquilibres contrôlés qui, mis bout à bout, vous ramènent vers l’équilibre.
    — Je souffre.
    — Quoi encore ?
    — Une sorte de paralysie. Mes jambes s’engourdissent...
    — Votre pied gauche n’est pas assez ferme. Il doit rester stable. C’est avec lui que vous pousserez votre corps au moment de l’attaque. Vous tremblez. Ce n’est pas bien. Je vous ai commandé de ne pas bouger !
    Maître Faillard s’approcha de moi.
    — Dans votre position, je pourrais tout obtenir de vous.
    Il se colla à moi. J’avais les bras levés. J’étais sans défense.
    — Pourriez-vous à nouveau attraper mon épée, femme rebelle ?
    — Ce n’est pas la seule façon de vous battre.
    Le sang afflua sur son visage. Il brandit son épée, fou de colère.
    — Par quel moyen pourriez-vous me défier, petite sauvage !
    — Comme cela !
    Avant qu’il ne puisse armer un coup, je le giflai sèchement au visage de la main gauche. Ce soufflet réveilla mon sang gourd. Aussitôt, je lui expédiai son frère jumeau sur l’autre joue.
    — Touché ! Et vous n’avez rien vu venir. Moi, j’étais à la mesure, c’est-à-dire à la juste distance pour parer ou porter. Ni trop près ni trop loin. Je crois me souvenir qu’il s’agit d’une action efficace fondée sur l’effet de surprise quand le bretteur d’en face parle, s’agite, perd patience, ou pis, use de sa force sans la contrôler. De votre côté, ce ne fut qu’un instant d’inattention. Je l’attendais. Je vous ai observé. En somme, je vous ai mesuré à votre juste valeur. Puis, j’ai armé, tiré et rompu en reprenant la pose insupportable que vous m’obligez toujours à tenir... Le secret des armes étant de donner sans recevoir, il me semble que je vous ai vaincu une nouvelle fois. Maintenant que notre combat est fini, m’en voudrez-vous si je cesse

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