L'Insoumise du Roi-Soleil
provoque en duel . Et le cœur bat plus fort. Profitons de cette émotion. Car le lendemain, on est mort. « Un duel met les gens en mauvaise posture. » Molière l’a écrit. Et je suis de son avis. Bien sûr, vous êtes une femme et vous ne risquez pas de tomber dans cet attrape-nigaud. Pour autant, l’envie de croiser le fer est un vice qui mine notre temps. Pour des peccadilles, on saisit l’épée. Craignez les escarmouches, les regards en coin, les nuits sans lune, les impasses désertes, les ruelles sinistres où naissent les petites luttes. Sur elles, plane l’ombre de la mort... Comprenez-vous ma leçon ?
— J’entends que vous la répétez, maître Faillard.
— C’est un nouvel assaut d’impertinence !
— Le simple désir d’avancer plus vite...
— Rome ne s’est pas faite en un jour !
— Je crois surtout que vos conseils de prudence sont dictés par mon père. Et je devine dans tous vos propos que votre mission est de me décourager. Mais vous n’y parviendrez pas. Je veux apprendre à me battre. Avec vous ou sans vous. Et s’il le faut, je choisirai un maître que l’âge n’a rendu ni trop sage ni trop faible.
— En garde !
Ce n’était plus le même. Il se plia sur cette jambe qui, à l’instant, boitait. Sa tête se raidit. Ses yeux me menaçaient.
— En garde ! répéta-t-il. Vous m’avez offensé. Je demande réparation.
— Je sais que vous n’êtes pas sérieux. C’est encore un de ces petits jeux pour impressionner votre apprenti, balbutiai-je.
— Vous me traitez de vieillard et vous insultez votre père pour qui j’ai le plus grand respect. En garde, s’il vous plaît !
Je tenais en main Damoclès. Faillard s’avança à mains nues.
— Attaquez-moi, je vous dis !
— Mais vous n’êtes pas armé !
— Pour savoir si vous parviendrez à battre maître Faillard, attaquez-le ! hurla-t-il.
— C’est injuste...
— De s’en prendre à un homme faiblissant ? Vous continuez à m’injurier. Par là même, vous augmentez ma colère. Ce n’est pas bon. Maintenant, ce sera vous ou moi, car je suis pire que vous le pensez. Si vous n’attaquez pas, je vous blesse pour toujours. Adieu Versailles ! Si vous le faites, je me contenterai d’une leçon. Votre père que vous jugez mal m’a donné son accord. Il veut que vous appreniez. Il pense à l’inverse de ce que vous croyez. Alors, petite impatiente, n’excellez-vous que dans les paroles ?
Il posa les mains sur ses hanches. Il se moquait. J’estimai pouvoir profiter de sa faute. Je fis un pas, l’épée en avant.
Dans un mouvement si prompt que je n’en vis que le début, Faillard s’effaça sur la droite n’offrant plus à ma lame que son profil et une solide épaule recouverte de cuir. Ma pointe plia, rebondit dessus, partit dans le vide. Emportée par mon élan, je vins à lui, le haut du corps totalement offert. Il se jeta sur moi comme la foudre, une dague en avant. D’où venait-elle ? À l’instant, il n’avait rien en main. Le métal brilla devant mes yeux et je sentis une brûlure terrible sur la joue. Je l’oubliai. Une douleur aiguë paralysait ma main armée. Je lâchai Damoclès, ouvris la bouche pour le supplier d’arrêter quand un troisième coup encore plus puissant me fit plier la jambe. Je tombai à terre, face contre la poussière. Dedans, mon sang y coulait.
Faillard s’approcha et se pencha sur moi. Il tenait en main une miséricorde, cette dague dont on se sert pour achever l’adversaire une fois à terre. Sa respiration était calme. Il parla d’une voix terriblement paisible :
— Je vous aurais tuée si vous n’étiez pas la fille de Pierre de Montbellay. Mais je peux vous blesser plus fortement. Demandez-vous pardon ?
Mes larmes se mêlaient à mon sang :
— Je vous supplie de m’épargner, maître Faillard.
Il se releva :
— Vous ne rencontrerez qu’une seule fois une âme charitable. Et vous venez d’utiliser cette carte. Avez-vous mal ?
— Je me vide de mon sang, pleurai-je.
— Votre réaction n’est pas digne de votre rang. Ce n’est rien. Vos blessures ne sont que superficielles. Ma dague n’est pas entrée in cute 12 . Mais si vous n’agissez pas maintenant, vous garderez la marque de maître Faillard toute votre vie sur votre joue. Ce n’est pas pour me déplaire que de laisser un souvenir émouvant à votre corps. Mais je crains qu’un peu de votre charme si pur s’en aille.
— Je vous hais !
— Tant mieux ! Nous avançons.
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