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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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n’étais pas au feu à Maëstricht pour soutenir cet ami. Je le regrette. J’avais mis en garde le fier soldat. Il n’était plus jeune. Et il boitait depuis peu. Il accusait un valet de lui avoir cassé le pied à coups de mousquet alors qu’il entrait à Versailles... Des sornettes pour cacher sa goutte !
    Je fis tout pour ne pas réagir. Faillard continua :
    — Je crois que nous n’avions plus d’envie, bougonna-t-il en mordant de bon cœur dans la cuisse du poulet. Trop de guerres, trop de galops, trop de sang versé... Le nôtre, et celui de nos ennemis.
    Il rinça son chagrin d’un coup de chopine et essuya sa moustache taillée d’un revers de la manche :
    — L’affaire n’est pas simple. Une femme tenant l’épée ? Pour être franc, je n’y crois pas.
    Il avait brusquement changé de sujet. Il me regardait en coin.

    Nous étions installés dans l’ancienne salle d’armes du manoir de Saint Albert. Pour l’occasion, Faillard avait exigé quelques aménagements. Pour commencer, les armes anciennes qui étaient accrochées aux murs reposaient désormais à terre. Il avait également fait porter des boucliers dont le fer avait été lustré soigneusement. Un cercle avait été tracé au sol et les boucliers en marquaient les limites. Enfin, maître Faillard avait réclamé des cierges et des chandelles. La salle était si fortement éclairée que les boucliers agissaient comme des miroirs. En entrant dans le cercle, en se fixant en son centre, on pouvait voir son reflet à l’infini.
    La mise en scène étant achevée, et le repas avalé, il me convoqua devant une montagne d’armes anciennes.
    — Nous voilà tels les gladiateurs des temps antiques. Oubliez que vous êtes une femme... et jolie, ajouta-t-il en me lançant une œillade. Laquelle choisiriez-vous ? Je vous parle des armes !
    Faillard avait soixante ans, ce qui était un âge considérable pour l’époque – et compte tenu de son métier. Il se dressait aussi haut que mon père et semblait taillé dans le granit. Il mettait en avant ses larges épaules en gardant le plus souvent la pose. Ses mains étaient sur ses hanches, son ventre rentré, sa tête droite, mais à l’instant où il se détendait, on devinait les plaies de sa vie d’aventures. Il boitait, respirait fort et accusait une vieille bombarde 1 d’avoir réduit son ouïe, un jour d’entraînement.
    — Parlez fort ! Je n’ai pas entendu.
    Je ne dis rien pour la simple raison que je n’avais pas encore arrêté mon choix sur une arme précise. Je n’avais du reste aucune idée de la réponse, mais je devinai confusément qu’elle déciderait de la suite.
    Faillard gardait toujours son épée à la main. Il s’impatientait, fouettait l’air, le dessinait et je voyais dans ses gestes la maîtrise absolue de son art. Cet homme était encore un terrible guerrier.
    — Je vais vous aider, dit-il en se forçant à parler moins fort. Prendrez-vous cette longue et fine épée bretonne qu’on appelle une brette ? Ce sabre persan ou cimeterre dont la large lame recourbée est plus tranchante que celle du barbier ?
    Il caressait son arme du plat de la main en me dévisageant.
    — Vous regardez l’estramaçon. Méfiez-vous ! cette lourde épée du Moyen Âge nécessite une force que vous n’aurez pas. Je vous déconseille aussi le braquemart. L’épée est courte, mais ses deux lames sont d’un usage peu aisé. Que reste-t-il ? Le fauchon ? Ce sabre moyenâgeux est passé de mode ! Le bancal ? Il ne porte pas le bon nom. C’est une arme redoutable et j’aime sa forme recourbée. Le kandjar est un beau poignard oriental. Il va si bien à la femme. Ah ! que choisir ? L’alfange n’est qu’un cimeterre maure, mais sa forme étonnante plaît à l’œil du chrétien. Préférez-vous cette dague qui, je crois, vient d’une lointaine contrée des Indes ? Ou ce glaive à deux tranchants, l’un pour l’estoc, ce coup porté avec la pointe, et l’autre pour la taille que l’on assène avec le tranchant de la lame ?
    — Je prendrai celle-ci.
    Et je désignai l’épée qu’il tenait. Il pinça ses lèvres, les ouvrit faiblement, émit un petit sifflement sans que je puisse deviner s’il s’agissait d’un bien ou d’un mal.
    — Il va falloir vous expliquer !
    — Permettez que je vous l’emprunte. Bien... Je la tiens en main. Sa poignée et sa garde sont légères. Sa lame est fine, mais bien droite. Je me sens prête pour mettre flamberge au vent 2 .

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