L'Insoumise du Roi-Soleil
jusque-là par ses vêtements serrés, se mit à couler sur son bras et sur son poignet. Faillard souffrait :
— Sur le coup, et malgré le cuir, la douleur fut si vive que je crus céder. Votre poignet est solide, Hélène... Et vous avez appliqué les deux premiers principes de la botte des Montbellay : la surprise et l’ à-propos . Il vous a manqué la patience. Avec elle, vous m’auriez tué.
— Je vous ai touché lors de l’assaut ?
— Plus sévèrement que vous ne le fûtes vous-même. Vous visiez plus haut, là dans le cou, et je rejoignais la vie éternelle. Mais vous n’avez pas su attendre le bon moment.
— Je ne le voulais pas. Pardonnez-moi.
— N’ai-je pas réclamé cet assaut ? Je vous avais provoquée. Désormais, nous sommes quittes. Et qu’en est-il de vos estafilades ?
— Le sang ne coule plus.
— Ma blessure rend les vôtres plus supportables, n’est-ce pas ? Apprenez à ne pas gémir sur l’adversaire. Il a eu ce qu’il mérite... Je vais vous aider à vous relever.
Nos corps se soudèrent aussitôt. Ma main se posa sur lui, caressa son épaule et descendit vers son buste, s’attardant sur chacune de ses anciennes cicatrices.
— Ne mourez pas, Hélène, murmura Faillard. Faites ce serment.
L’émotion passa. Je me détachai de lui. Je pus poser ma jambe blessée.
— Pas aujourd’hui ! lançai-je d’une voix joyeuse. Je vais déjà mieux. Demain, je vous invite à danser un menuet. Un, deux, trois ! Et en cadence, maître Faillard !
— Courageuse et séduisante. Cela me plaît, et c’est assez. Allez vous reposer.
Le lendemain, j’avais ganté ma main blessée, mes cheveux couraient sur mes épaules et je souffrais moins de la jambe. Maître Faillard s’annonça comme si rien ne s’était produit. N’eût été cette grimace qu’il retenait quand il bougeait son bras, les événements de la veille semblaient oubliés. En se présentant à la salle d’armes, il ne portait pas sa tenue d’exercice. Il m’en expliqua les raisons :
— L’exercice d’hier fut pour moi concluant. La leçon d’aujourd’hui sera courte. Ensuite, je vous réserve une surprise. Mais d’abord, les derniers enseignements. En premier lieu, je vous conjure de ne jamais dégainer la première. Vous attendrez que l’autre le fasse. Et savez-vous pourquoi ?
— La surprise ?
Faillard sembla satisfait :
— En effet ! Tant que vous n’aurez pas une arme en main, l’adversaire ne se méfiera pas. Parfois même, se sentant sûr de lui, il s’avancera vers vous.
— Mais le temps de sortir mon épée, il m’aura occise !
— Si vous n’avez pas le fer en main, il ne se couvrira pas. S’il avance, dégainez, bondissez et touchez. N’attendez pas qu’il se mette en place.
— Je doute de pouvoir dégainer à temps. Mon adversaire verra mon mouvement et il me frappera aussitôt.
— Vous réclamiez une botte. La voici. Mais d’abord, parlons de l’à-propos.
— La botte des Montbellay ?
— Patience ! Aucune botte n’est irrésistible, et tout combattant peut se servir de ses pouvoirs. C’est pourquoi celle de votre famille n’est pas un geste. Son secret et sa réussite reposent sur un état d’esprit : on peut triompher d’un adversaire émérite par l’effet de surprise.
— Un coup de baguette magique, murmurai-je en souriant.
— Que dites-vous ?
— Rien. Continuez, je vous prie.
— Compte tenu de vos connaissances et de votre pratique, il vous faut un geste simple et direct dont l’effet sera si prévisible pour un habitué qu’il ne songera pas un instant que sa mort est au bout de votre lame. Le coup sera ordinaire, mais le résultat comparable à celui de l’embuscade. De plus, cette botte ira parfaitement avec le fait que vous êtes une femme, de surcroît débutante. La ruse de la novice ? Appelons-la ainsi. Elle transformera vos défauts en qualité et pourra vous sauver.
— Apprenez-moi, maître Faillard...
— Une botte s’appuie également sur les qualités du combattant. Quelles sont les vôtres ? La ruse, j’en parlais. La rapidité, le goût de l’impertinence, l’esprit rebelle... Voilà trop de points forts. Il faut en retenir un. Je choisis la rapidité. Chez vous, elle est supérieure à beaucoup de mâles épais. Or, ce sont eux qui vous chercheront. Ils vous défieront en s’appuyant sur leur robustesse. Mais ce n’est pas avec le fort de l’épée, proche de la garde, que l’on tue. Voyez, à l’inverse, combien
Weitere Kostenlose Bücher