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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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ce mouvement de fureur s’était apaisé, et tous les yeux s’étaient reportés sur la colline, où l’uniforme éclatant des troupes royales commençait à briller derrière le nuage de fumée, comme si elles reculaient devant le feu bien nourri de leurs ennemis.
    – Ah ! dit Burgoyne, c’est quelque feinte pour tirer les rebelles de leur position.
    – C’est une honteuse retraite ! murmura le guerrier plus austère qui était près de lui, et dont l’œil exercé aperçut tout de suite la déroute des assaillants ; c’est une autre infâme retraite devant les rebelles !
    – Hurra ! cria de nouveau l’idiot incorrigible ; voilà les Habits-Rouges qui sortent à leur tour du verger ! Comme ils se cachent derrière les arbres à fruit ! Qu’ils aillent à Breed’s-Hill, le peuple leur apprendra la loi !
    Cette fois aucun cri de vengeance ne se fit entendre ; mais une vingtaine de soldats, comme par un élan soudain, se précipitèrent sur leur proie. Lionel n’avait pas eu le temps de prononcer un seul mot en sa faveur, lorsque Job parut en l’air, porté sur les bras étendus d’une douzaine de grenadiers, et l’instant d’après on le vit rouler le long du rocher avec une telle rapidité, que l’impulsion qui lui avait été donnée le porta jusqu’au bord de l’eau. Sautant alors sur ses pieds, l’idiot intrépide agita de nouveau son chapeau en triomphe, et répéta de toutes ses forces son cri provocateur. Ensuite il lança sur le détroit sa petite nacelle qui était restée sur le rivage, cachée au milieu de l’herbe touffue, s’y précipita, et s’éloigna avec rapidité au milieu d’une grêle de pierres que lui lançaient les soldats. Sa barque fut bientôt confondue au milieu du grand nombre de celles qui se croisaient dans tous les sens ; mais Lionel inquiet ne le perdit pas de vue, et il vit Job en sortir, et disparaître d’un pas précipité dans les rues désertes de Charlestown.
    Tandis que cet épisode peu important se passait à Copp’s-Hill, la marche de l’action principale ne se ralentissait pas. Les nuages épais de fumée qui couvraient la hauteur avaient été soulevés par la brise, et se dirigeaient lentement vers le sud-ouest, laissant de nouveau à découvert le lieu de cette scène sanglante. Lionel remarqua les regards graves et expressifs que les deux lieutenants du roi échangèrent entre eux après avoir examiné le champ de bataille avec leurs lunettes d’approche, et prenant celle que lui offrait Burgoyne, il en vit l’explication dans le nombre de cadavres qui étaient amoncelés devant la redoute.
    Dans cet instant un officier haletant arriva sur Copp’s-Hill, et eut un entretien animé avec les deux chefs auprès desquels il s’acquitta de son message, et il retourna aussitôt se jeter dans sa barque avec l’empressement d’un homme qui sait qu’il est employé dans des affaires où il y va de la vie.
    – On s’y conformera, Monsieur, dit Clinton d’un air animé au moment où l’officier se retirait, les canonniers sont à leur poste, et l’ordre qui m’est transmis va recevoir son exécution.
    – Voilà, major Lincoln, dit Burgoyne avec sensibilité, voilà l’une des épreuves les plus cruelles pour un soldat. Se battre, verser son sang, mourir même pour son prince, voilà son heureux privilège ; mais aussi quelquefois il est condamné à devenir un instrument de vengeance.
    Lionel n’attendit pas longtemps l’explication de ces mots : des boulets enflammés partirent en sifflant à côté de lui, et traversant rapidement l’air, allèrent porter la désolation sur les fragiles habitations du village qui s’élevait en face. En moins de quelques minutes une fumée noire et épaisse sortit du milieu des demeures abandonnées, et la flamme active se jouait en serpentant le long des poutres et des solives, comme si, par ses jets brillants et simultanés, elle voulait en un instant prendre possession du vaste domaine qui était devenu sa proie. Il contempla cette scène de destruction dans un morne silence, et tournant les yeux sur ses compagnons, il crut lire l’expression d’un profond regret dans les regards mêmes de celui qui avait donné sans hésiter l’ordre fatal d’incendier le village.
    Dans des scènes telles que celles que nous essayons de décrire, les heures paraissent des minutes, et le temps vole avec la même rapidité que la vie court se perdre dans le torrent des âges. Les colonnes en

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