Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
les blessures ou la mort de ses vieux soldats.
HUMPHREYS.
Dans le cours de cette matinée féconde en événements, les Américains avaient fait mine de répondre au feu de leurs ennemis en leur envoyant quelques volées de leurs petites pièces de campagne, comme pour se moquer de la canonnade terrible qu’ils essuyaient {48} . Mais lorsque le moment décisif approcha, ce même silence morne et imposant qui régnait dans les rues désertes de Charlestown se répandit autour de la redoute. À la gauche, sur les prairies, les corps d’Américains récemment arrivés réunirent à la hâte deux rangs de palissades en un seul, et recouvrant le tout de l’herbe nouvellement coupée qui se trouvait dans les champs, ils se postèrent derrière ce fragile rempart, dont le seul avantage était de cacher leur petit nombre à l’ennemi. C’était là que s’étaient rangés les hommes accourus des provinces voisines de New-Hampshire et du Connecticut, et, appuyés sur leurs armes, ils attendaient immobiles qu’on vînt les attaquer. Leur ligne s’étendait depuis le bord de l’eau jusqu’au pied de la colline, où elle se terminait, quelques centaines de pieds derrière les fortifications élevées par leurs compatriotes, laissant une large ouverture dans une direction oblique, entre les palissades et un parapet en terre qui, partant de l’angle nord-est de la redoute, descendait à peu près jusqu’au milieu de la côte.
À cinquante toises derrière ces ouvrages de défense s’élevait le sommet de Bunker-Hill, qui n’avait point été fortifié ; et les détroits de Charles et du Mystick, qui en baignaient la base, passaient si près l’un de l’autre, que le bruit de leurs eaux se confondait ensemble. C’était à travers cet isthme étroit que les frégates royales vomissaient sans interruption des torrents de feu, tandis que, sur les côtés, des bandes nombreuses d’Américains indisciplinés semblaient attendre un instant favorable pour traverser ce passage dangereux.
Gage était parvenu de cette manière à intercepter en grande partie les communications ; et les hommes intrépides qui étaient venus s’établir si hardiment sous la bouche même de ses batteries restaient, comme nous l’avons déjà dit, seuls et sans vivres, pour soutenir l’honneur de leur nation. En y comprenant les enfants et les vieillards, ils pouvaient être environ deux mille ; mais, vers le milieu du jour, de petits détachements de leurs compatriotes, ne prenant conseil que de leur enthousiasme, et entraînés par l’exemple du vieux partisan des bois, qui passait et repassait l’isthme à chaque instant pour les guider lui-même, bravèrent le feu nourri des vaisseaux, et suivant ce chef intrépide, malgré les boulets qui sifflaient sur leurs têtes, arrivèrent à temps pour prendre une part active à la lutte sanglante et décisive.
D’un autre côté, Howe conduisait un nombre plus qu’égal de troupes choisies, et comme les barques qui naviguaient entre les deux péninsules continuaient à lui amener des renforts, la disproportion resta toujours la même jusqu’à la fin du combat. Ce fut alors que, se croyant assez fort pour emporter d’assaut une redoute construite par des ennemis qu’il méprisait, il fit immédiatement les dispositions nécessaires, sous les yeux même des spectateurs groupés d’une manière pittoresque sur tous les points qui dominaient le lieu de l’action. Malgré la sécurité avec laquelle le général anglais rangeait sa petite armée, il sentait que l’engagement qui allait avoir lieu n’était pas un combat ordinaire. Ces milliers de regards attachés sur tous ses mouvements lui donnaient un caractère particulier, et c’était l’occasion de déployer tout ce que la tactique militaire a de plus pompeux et de plus étonnant.
Les troupes se formèrent avec un ordre admirable ; les colonnes se déployèrent le long du rivage avec la plus grande précision, et prirent chacune la place qui leur avait été assignée. Howe avait divisé ses forces : la moitié devait tenter d’escalader la colline, tandis que le reste des troupes en suivrait la base pour couper toute communication aux rebelles avec les paysans restés sur les prairies. Ces divers mouvements s’opérèrent au même instant, et la seconde division disparut bientôt derrière un verger assez épais. L’autre corps commença à monter la colline d’un pas lent et mesuré, pour donner le temps aux
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