Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
rapide de Lionel se promena partout jusqu’à ce qu’il l’eût aperçu près d’entrer dans une barque au pied de la colline. Plus prompt que la pensée, Lionel en un instant fut sur le rivage, et courant au bord de l’eau, il s’écria :
– Arrêtez ! pour l’amour de Dieu, arrêtez ! Rappelez-vous que le 47 e est sur le champ de bataille et que j’en suis le major.
– Recevez-le, dit Clinton avec cette satisfaction profonde qu’inspire le dévouement d’un ami dans un moment critique, et maintenant faites force de rames si vous tenez à la vie, ou, ce qui est bien plus encore, à l’honneur du nom anglais.
Lionel éprouva dans le premier moment une sorte de vertige lorsque la barque commença à s’éloigner du bord ; mais il ne tarda pas à se remettre, et put considérer la scène déplorable qui s’offrait à sa vue. Le feu s’était communiqué de maison en maison, et le village de Charlestown n’offrait plus de toutes parts que l’image d’un vaste incendie. L’air semblait rempli de boulets qui sifflaient à ses oreilles, et les flancs noirs des vaisseaux de guerre vomissaient la mort et la destruction avec une effrayante activité.
Ce fut au milieu de ce tumulte que Clinton et Lionel s’élancèrent à terre. Le premier courut dans les rangs en désordre, et par sa présence, par ses paroles, il parvint à rappeler les soldats d’un régiment au sentiment de leur devoir. Mais il fallut faire de longs et fréquents appels à leur courage et à leur ancienne renommée pour rendre une partie de leur première confiance à des hommes qui s’étaient vus si rudement repoussés, et qui cherchaient en vain dans leurs rangs éclaircis plus de la moitié de leurs camarades.
Au milieu du découragement universel, le général en chef avait conservé son sang-froid et son intrépidité ; mais de toute cette brillante jeunesse qui s’était précipitée à sa suite, au moment où il était parti le matin de la maison du gouverneur, il n’en était pas un seul qui ne fût resté étendu sur le champ de bataille. Calme et tranquille au sein de la confusion, il continuait à donner ses ordres avec la même énergie. Enfin cette terreur panique parut se dissiper en partie, et les officiers, jaloux de réparer leur honneur, parvinrent à reprendre quelque empire sur les soldats.
Les chefs se consultèrent entre eux, et un nouvel assaut fut résolu à l’instant. Il ne fut plus question d’affecter une pompe militaire ; les soldats déposèrent même tout ce qui pouvait gêner leur marche, et plusieurs allèrent jusqu’à se dépouiller d’une partie de leurs vêtements, tant était vive et insupportable l’ardeur d’un soleil brûlant, et à laquelle venait se joindre encore la chaleur de l’incendie, qui commençait à s’étendre jusqu’à l’extrémité de la péninsule. Des troupes fraîches furent placées en tête des colonnes ; la division envoyée dans les prairies en fut retirée presque tout entière ; il n’y resta que quelques tirailleurs pour amuser l’ennemi retranché derrière les palissades. Lorsque toutes les dispositions furent achevées, l’ordre de partir fut donné en même temps sur toute la ligne.
Lionel avait repris son poste dans son régiment, mais comme il marchait en dehors du bataillon, il dominait sur la plus grande partie du champ de bataille. Le corps d’armée avait été divisé en trois colonnes, pour attaquer trois côtés de la redoute en même temps. En tête de celle du milieu s’avançait un bataillon réduit à une poignée d’hommes par les assauts précédents. Venait ensuite un détachement de soldats de marine conduit par leur vieux major, et enfin se montrait Nesbitt, l’abattement peint dans tous ses traits, à la tête de son régiment, dans lequel Lionel cherchait en vain son ami Polwarth.
Quelques minutes suffirent pour les amener en vue de cette redoute grossière et à peine terminée, dont la base avait été arrosée de tant de sang sans que ceux qui l’attaquaient en fussent plus avancés. Le même silence y régnait, comme si personne ne s’y trouvait pour la défendre, quoiqu’un rang terrible de tubes menaçants se montrât dans toute la longueur du rempart, suivant les mouvements de l’ennemi, comme les enchanteurs imaginaires de nos forêts épient, dit-on, leurs victimes. À mesure que le bruit de l’artillerie devenait plus faible, celui de l’incendie se faisait entendre avec une nouvelle
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