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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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avait oublié à qui il parlait, et il continua en suivant le cours de ses idées philosophiques.
    – On envoie les enfants à l’école pour leur farcir la tête de je ne sais combien de sciences, et on néglige de leur apprendre à manger…, c’est-à-dire à manger avec discernement, ce qui est assurément la science la plus utile, et peut-être la moins connue. Chaque bouchée qu’un homme avale doit subir quatre opérations importantes qui forment chacune ce qu’on pourrait appeler une crise dans la constitution humaine.
    – Permettez-moi de vous aider à franchir cette éminence, dit son compagnon en lui offrant officieusement son bras.
    – Je vous remercie, Monsieur, je vous remercie. Diable ! je parlais de crise, et vous avez fait un triste commentaire de mes paroles, reprit le capitaine avec un sourire mélancolique. Il y a eu un temps où je servais dans l’infanterie légère ; mais, bah ! je m’en suis dégoûté. Il y a donc quatre opérations, comme je vous le disais d’abord, le choix, ensuite la mastication, puis la déglutition, et enfin la digestion.
    – Rien n’est plus vrai, Monsieur, dit l’étranger d’un air distrait ; la diète et de légers repas sont ce qu’il y a de mieux pour le cerveau.
    – La diète et de légers repas, Monsieur, ne sont bons qu’à faire des nains et des idiots ! reprit le capitaine avec quelque chaleur. Je vous répète, Monsieur…
    Il fut interrompu par l’étranger, qui arrêta tout à coup une dissertation que Polwarth allait faire sur les rapports qui existait entre la partie animale et la partie intellectuelle, en demandant brusquement :
    – Si l’héritier de cette illustre famille est perdu, n’y a-t-il personne pour se mettre à sa recherche ?
    Polwarth se voyant ainsi couper la parole dans le moment le plus intéressant, regarda fixement l’interrupteur entre deux yeux, sans faire de réponse. Mais bientôt son bon naturel l’emporta sur son ressentiment, et cédant à l’intérêt que lui inspirait Lionel, il lui répondit :
    – J’irais au bout du monde, je braverais tous les dangers pour lui rendre service.
    – En ce cas, Monsieur, le hasard a réuni deux hommes qui sont animés des mêmes sentiments. Moi aussi je ferai tous mes efforts pour le découvrir. J’ai entendu dire qu’il a des amis dans cette province. N’a-t-il pas quelque parent à qui nous puissions nous adresser pour avoir des renseignements ?
    – Mais il n’en a pas de plus proche que sa femme.
    – Sa femme ! répéta l’autre avec surprise ; il est donc marié ?
    L’étranger parut plongé dans ses réflexions, et Polwarth l’examina avec plus d’attention que jamais. Il paraîtrait que le résultat de cet examen ne fut pas satisfaisant, car Polwarth branla la tête d’une manière non équivoque, et doubla le pas pour gagner la porte du cimetière où son tompung l’attendait. Il venait de s’y placer lorsque l’étranger s’approcha de nouveau :
    – Si je savais où trouver son épouse, lui dit-il, j’irais lui offrir mes services.
    Polwarth lui montra du doigt le bâtiment dont Cécile était alors la maîtresse, et il répondit d’un ton assez dédaigneux, à l’instant où la voiture partait :
    – C’est là qu’elle demeure, mon bon ami ; mais votre démarche sera inutile.
    L’étranger ne répondit rien, mais il sourit d’un air de confiance, et prit la route opposée à celle par laquelle l’équipage du capitaine avait déjà disparu.

CHAPITRE XXVI
    Montez Fishstreet, descendez au coin Saint-Magnus, terrassez et tuez, jetez-les dans la Tamise. – Quel est ce bruit que j’entends ? quelqu’un serait-il assez hardi pour sonner la retraite ou une trêve quand j’ordonne de tuer ?
    SHAKESPEARE. Le roi Henri IV .
    Il était bien rare que Polwarth, oubliant son égalité d’âme ordinaire, entreprit une aventure avec des intentions aussi décidément hostiles que celles qui le portèrent à tourner la tête du coursier attelé à son tompung du côté de la place du marché. Il connaissait depuis longtemps la demeure de Job Pray, et souvent en passant devant l’habitation de l’idiot, quand il se rendait de son logis dans le quartier plus à la mode de la ville, il faisait un signe de tête en souriant à l’admirateur ingénu de sa science dans l’art de Comus. Mais en ce moment, quand son élégant équipage sortit de Cornhill pour entrer dans la place, ses regards tombèrent sur les sombres

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