Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
Vom Netzwerk:
amicale qu’il est bon de prêter à la nature, reprit Polwarth, qui à table avait une gravité et un sérieux qu’il n’était pas facile de troubler. La manière que je vous indique facilite la mastication, et aide en même temps à la digestion, deux avantages d’une haute importance, Monsieur, pour des militaires qui ont souvent si peu de temps pour l’une, et qui ne peuvent goûter un doux repos après leur repas pour achever l’autre.
    – Il raisonne comme un fournisseur d’armée qui voudrait qu’une ration fit l’office de deux, lorsque le prix des transports est élevé, dit Mac-Fuse en regardant Lionel du coin de l’œil. Ainsi donc, suivant vos principes, Polwarth, une pomme de terre doit être le nec plus ultrà de vos jouissances en campagne ; car, de quelque côté que vous la coupiez, vous êtes sûr de trouver le fil, pourvu seulement qu’elle soit un peu farineuse.
    – Pardonnez-moi, capitaine Mac-Fuse, dit Polwarth d’un air d’importance, une pomme de terre doit se rompre, et non pas se couper ; il n’y a point de légume plus en usage et en même temps moins compris que la pomme de terre.
    – Est-ce vous, maître Polwarth, de l’infanterie légère de Nesbitt, interrompit le grenadier en déposant son couteau et sa fourchette d’un air plaisamment sérieux, est-ce vous qui apprendrez à Denis Mac-Fuse comment on doit découper une pomme de terre ? Parlez tant que vous voudrez de vos pièces de bœuf, de vos aloyaux ; vous êtes Anglais, je ne vous contredirai pas ; mais sachez, Monsieur, que dans mon pays, aux deux bouts de chaque ferme, il y a d’un côté un marais, et de l’autre un champ de pommes de terre. C’est donc du patrimoine de l’irlandais que vous parlez si librement, Monsieur, et…
    – On peut posséder une chose sans savoir en faire usage, et il y a une grande différence…
    – Ne me contestez donc pas le droit de propriété, interrompit de nouveau le grenadier impétueux, surtout lorsqu’il s’agit d’une production de notre île, et fiez-vous à un vieux soldat du régiment Royal-Irlandais pour savoir découper le mets qu’il aime. Maintenant je gagerais un mois de ma paie (et c’est autant que si le major disait : Va pour mille livres sterling) que vous n’êtes pas capable de dire de combien de façons on peut arranger et on arrange tous les jours en Irlande une chose aussi simple qu’une pomme de terre.
    – Vous les faites bouillir et rôtir ; vous en faites aussi parfois une espèce de farce, et…
    – Cuisine de vieille femme ! interrompit Mac-Fuse en affectant un ton de mépris. D’abord, Monsieur, nous les accommodons avec et sans beurre, ce qui fait déjà deux manières, ensuite nous ôtons la pelure, et…
    – Voilà une discussion tout à fait savante, s’écria Lionel en éclatant de rire, et je crois que nous ferons bien de soumettre la décision de cette grande affaire à Job que voilà, et qui, dans son coin, s’amuse justement avec l’objet de la dispute, qu’il porte au bout de sa fourchette.
    – Ou plutôt, dit Mac-Fuse, comme c’est un jugement pour lequel toute la sagesse de Salomon ne serait pas de trop, prenons pour juge maître Seth Sage, notre hôte, que voici justement. Son nom est déjà d’un heureux augure, et je vois à son air réfléchi qu’il a une bonne partie de la pénétration du roi juif.
    – Ne comparez pas Seth au roi, dit Job en suspendant les attaques qu’il faisait à la pomme de terre ; le roi fait bien de l’étalage, et voilà tout, tandis que le voisin Sage laisse Job entrer et manger librement, comme un bon chrétien qu’il est.
    – Ce drôle n’est pas tout à fait dépourvu de raison, major Lincoln, dit Polwarth, et son instinct le sert assez bien, car je remarque qu’il a toujours soin de nous honorer de sa compagnie à l’heure des repas.
    – Le pauvre garçon ne trouve pas, je crois, grand attrait qui le retienne chez lui, dit Lionel, et comme c’est une des premières connaissances que j’aie faites à mon retour dans mon pays natal, j’ai prié M. Sage de le laisser entrer lorsqu’il se présenterait, et surtout, Polwarth, aux moments où il peut avoir occasion de rendre hommage à vos talents distingués.
    – Je suis loin de dédaigner son suffrage, dit Polwarth. J’aime à avoir affaire à un palais encore neuf ; j’en fais autant de cas que de la naïveté dans une femme. Ayez la bonté de me couper un morceau d’estomac de cette oie

Weitere Kostenlose Bücher